Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
son paradis par ses œuvres, ou la prédestination a-t-elle tout conclu par avance ? Jansen tire résolument du côté de la deuxième proposition : l’homme ne peut rien, sa grâce est tout et elle n’est qu’à Dieu. À l’époque, ces questions semblaient fondamentales à beaucoup. Le mouvement se répand en France, en particulier auprès d’une famille très influente, les Arnaud. Et trouve bientôt un bastion, l’abbaye des religieuses de Port-Royal, dont une des maisons est dans la vallée de Chevreuse, dans les Yvelines, et l’autre à Paris. De nombreux grands décident de se retirer du monde pour vivre non loin de l’une ou de l’autre, soit à Paris, soit « aux champs » : ce sont les « solitaires ».
Les jansénistes ont de grands ennemis, les Jésuites. Ils les haïssent parce qu’ils jugent leur morale trop laxiste : avec leur casuistique (c’est-à-dire l’étude d’un cas particulier à la lumière de principes moraux), n’arrivent-ils pas à trouver les arguments les plus alambiqués pour donner l’absolution à tout le monde, et surtout aux puissants ? Bientôt, les amis de Jansen trouvent un propagandiste de talent, Blaise Pascal, qui les ridiculise. Il exécute ces pauvres Jésuites sous le feu de son ironie dans les Provinciales .
Puissant dès les années 1640, le jansénisme précède le début de l’absolutisme louis-quatorzien et sa première condamnation officielle ne vient pas de Versailles, mais de Rome. Alerté par des théologiens parisiens, le pape donne son premier coup de crosse en 1653 et condamne cinq des propositions de Jansenius. Les jansénistes deviennent casuistes à leur tour : ils estiment que les propositions condamnées ne concernent pas leur doctrine. Voilà la polémique relancée. Elle ne s’arrêtera pas de sitôt. Les amis de Port-Royal continueront de faire des adeptes et Louis XIV devra s’y mettre de toute force pour en finir avec ces intransigeants qui osent mépriser le monde : en 1710, il ordonne enfin l’expulsion des dernières religieuses et la destruction de l’abbaye. On a du mal à imaginer aujourd’hui la puissance de ces querelles théologiques. Des évêques, des membres du Parlement, Jean Racine, seront tentés par le jansénisme. Bien après la fin de Port-Royal, son influence continuera à courir les milieux les plus divers et on en sentira encore les effets à l’époque de la Révolution. Son austérité, par certains côtés, pousse à un puritanisme absurde. Quand on entre dans une église trop belle, il faut fermer les yeux de peur d’être distrait dans sa prière… Mais cette même austérité représente aussi une forme de résistance à l’époque. Les jansénistes placent leur conscience et Dieu au-dessus de tout. À l’époque du Roi-Soleil, c’est déjà une façon de refuser l’ordre du monde.
Deux esprits libres : Pierre Bayle et Richard Simon
N’oublions pas enfin certains esprits qui, par la liberté dont ils font montre, ouvrent des fenêtres sur le siècle suivant, celui des Lumières. Là encore, le propos dépasse un seul règne. Dès la première moitié du siècle, Descartes, en usant du doute méthodique pour éclairer toute chose, pose les bases de la pensée rationnelle. La Sorbonne ne s’y trompe pas, qui fera interdire l’enseignement du cartésianisme , ce poison pour les consciences chrétiennes. Citons d’autres noms moins connus : celui de Pierre Bayle, par exemple (né en Ariège en 1647, mort à Rotterdam en 1706). Fils d’un petit pasteur protestant, il passe au catholicisme, revient à sa foi première, évolue ensuite vers une sorte de scepticisme. Il passe par Genève, enseigne à Sedan puis se fixe à Rotterdam où il est professeur. Dans Pensées diverses sur la comète , il met à bas méthodiquement et avec ironie la superstition communément admise qui voudrait que le passage d’un tel astre annonce des catastrophes. Il y glisse au passage des phrases d’une incroyable audace : « Il n’est pas plus étrange qu’un athée vive vertueusement qu’il n’est étrange qu’un chrétien se porte à toutes sortes de crimes. » Reconnaître une morale aux sans-Dieu en 1682, c’était fort. Toute son œuvre va dans cette voie, ainsi son fameux Dictionnaire historique et critique , qui pose par principe que la vérité naît de la contradiction et du croisement des points de vue divers. Il fera un journal qui sera lu dans toute l’Europe, les Nouvelles de
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