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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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permettent à peine de tenir leur église et d’accomplir leurs devoirs, et les rendent amers : nombreux seront les membres du bas clergé qui joueront un rôle actif dans la Révolution.
    La noblesse forme le deuxième ordre, le glaive du monde, celui qui est en charge de la guerre et de la défense du peuple et du roi. C’était l’idée de départ. Elle est bien loin. Le roi paie une armée permanente, il n’a plus besoin, comme au Moyen Âge, de convoquer le ban et l’arrière-ban des chevaliers pour aller guerroyer. De plus, l’ordre a bien changé. Parmi les 30 000 familles qui le composent – ce qui représente 140 000 membres –, 1 000 seulement, la « noblesse d’épée », descendent de la chevalerie féodale. Les autres forment la noblesse de robe , celle dont les titres ont été achetés avec une charge. Au sein de ce vaste ensemble, d’autres diversité existent : comme il y a un bas clergé, il y a des petits nobles qui seront tentés eux aussi d’appuyer la Révolution à ses débuts.
    Mais la majorité préfère s’accrocher aux fameux privilèges, dont ses membres veulent croire que l’origine se perd dans les pages jaunies de grimoires immémoriaux : seuls les nobles ont droit de porter des chaussures à talons rouges, seuls ils ont droit de bâtir des tours, seuls ils ont droit aux girouettes, seuls ils ont droit d’être reçu à la Cour. Dans les seigneuries qu’ils possèdent encore, ils saignent les paysans avec des droits ancestraux, eux aussi. Et comme cela a toujours été, ils échappent à presque tous les impôts puisqu’ils sont censés payer « l’impôt du sang ».
    La seule chose qui change, finalement, est que cet état de fait, figé depuis des siècles, devient de plus en plus insupportable à ceux que cette géométrie étrange a placés en bas de la pyramide, à devoir porter tous les autres. Ceux-là forment l’immense masse des sujets du roi, ils ne sont ni du premier ordre ni du deuxième : on dit qu’ils sont le tiers état.
    Ils forment l’écrasante majorité. Par définition leur monde est composite. Des domestiques et des négociants, des vagabonds et des financiers, des artisans et leurs ouvriers, et surtout l’immense « paysannat », ses laboureurs et ses bergers, ses gros propriétaires replets et ses maigres cultivateurs. Tous ces gens ont au moins une chose en commun : ce sont eux, tous ensemble, qui font tourner vaille que vaille cette vieille machine encombrée de parasites grâce au produit de leurs impôts. Ils en paient tout le temps, sur tout, et à tout le monde, au châtelain, au clergé et aux représentants du roi, les fermiers généraux détestables et corrompus, et que l’on hait plus encore que les autres. Ils en paient en argent ou en nature.

    Si la division de cette société se résumait à ce triptyque, elle aurait le mérite d’une certaine clarté. Raté. Il faut lui ajouter mille autres clivages. La France d’avant 89, dira Mirabeau au début de la Révolution, était « une agrégation inconstituée de peuples désunis ». Tenter d’aller d’un bout du royaume à l’autre, c’est accepter de se perdre dans un maquis linguistique, administratif, juridique, c’est passer du droit coutumier aux survivances du droit romain, c’est payer un octroi à l’entrée d’une commune ou au passage d’un pont : déjà à l’époque, personne ne s’y retrouvait. Les provinces ont leurs coutumes, les villes ont les leurs, les villages en ont d’autres, et les métiers leurs chartes et leurs usages qui varient selon les lieux. Rien n’est semblable, rien n’est unifié, ni les patois, ni les poids, ni les mesures.
    Un seul, placé au sommet, est chargé de tenir toute la pyramide : le roi, clé de voûte fragile pour un édifice si branlant. Politiquement, le système n’a pas changé depuis le siècle précédent : nous sommes encore sous le règne de l’absolutisme de droit divin. On a vu combien cette forme de gouvernement convenait à Louis XIV. Les deux Louis suivants ont plus de difficultés à faire entrer leur main mal assurée dans ce gant de fer. Parfois, Louis XV fait des crises d’autorité, il ordonne, il trépigne, il se fâche. Cela dure peu. Louis XVI n’essaie même pas, il cherche une autre méthode pour gouverner, mais ne la trouve pas.
    Le pouvoir garde quelques symboles de l’autorité absolue. Le plus célèbre est la « lettre de cachet », qui permet d’envoyer

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