Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
document signé dans lequel ceux-ci reconnaissent les « erreurs » du jansénisme. Hurlements horrifiés du camp janséniste, c’est-à-dire principalement des parlementaires : oser faire du chantage sur un lit de mort ! C’est parti pour une décennie de chicane, de bagarre, d’avancées, de reculs. Il est évident que, sur le moment, l’histoire devait sembler très importante. Dans un monde très religieux, on ne joue pas impunément avec le salut de l’âme. Songeons toutefois au décalage auquel cela conduit, quand on regarde les choses avec quelques siècles de recul : la France avait besoin de changements profonds dans l’agriculture, l’économie, la politique, l’administration. Ceux qui étaient en place pour les suggérer ne parlaient que de Dieu et s’envoyaient à la figure les œuvres de Pascal.
Sous Louis XVI, nouvelle problématique. À cause de la guerre farouche qui les a opposés à Louis XV, ce monarque détesté, à cause de l’exil auquel ils ont été contraints, les conseillers au Parlement apparaissaient à beaucoup comme des héros de la liberté. Le nouveau roi se veut conciliateur, il rappelle l’organe dissout par son grand-père qui se réunit à nouveau sous les bravos d’une partie de l’opinion. Les limites de son héroïsme apparaissent bien vite. Dans ces années 1770-1780, la grande question est celle des finances publiques. Les caisses sont vides, il faut trouver des moyens de les remplir. Tous les ministres tentent de vastes réformes qui ont toutes pour objectif de contraindre les privilégiés à accepter de contribuer à l’effort collectif. Ils trouvent toujours face à eux un grand ennemi : nos mêmes parlements, aussi enflammés, aussi ronflants, aux discours aussi élevés, mais pour une tout autre raison. Il s’agit cette fois de défendre bec et ongles les seuls avantages de leurs membres – tous sont nobles.
La dette
Le grand, l’immense problème du xviii e siècle porte donc un nom que le xxi e connaît bien : la dette. On croit souvent que le siècle des philosophes n’était agité que de la question des libertés et que c’est cette obsession qui a fini par conduire à la Révolution. C’est inexact. L’enchaînement des faits qui conduit à 1789 doit tout à une question plus terre à terre : comment combler les trous des comptes publics ? Le système fiscal est inadapté, les dépenses sont trop lourdes et, au fil du règne, quelques événements viennent les aggraver encore, comme la guerre d’Amérique (1778-1783). Pour se venger de l’humiliation reçue des Anglais durant la guerre de Sept Ans, la France, avec ses jeunes et brillants généraux, les La Fayette, les Rochambeau, se range au côté des colons des Amériques qui luttent pour leur indépendance et leur liberté. Le geste est admirable, mais ruineux.
Dès l’avènement de Louis XVI se succèdent une série de ministres qui, chacun à sa manière, tentent le tout pour le tout. Quelles que soient leurs théories économiques, tous sont d’accord sur un point : pour qu’il y ait plus d’argent dans les caisses, il faut étendre l’impôt à tous, on y revient. C’est toujours ce qui les perd. À coups de manœuvres, de pamphlets odieux, de médisances, de cabales, les aristocrates, les parlementaires, les prélats, la Cour, tous ceux qui perdraient quelque plume dans l’affaire réussissent à faire chasser les uns après les autres tous les ministres. Tous les livres, à raison, en font le récit navrant.
Ils oublient souvent au passage un autre épisode, non moins instructif. Il nous montre à quel point, même avec les meilleures intentions du monde, il est difficile de faire avancer ce qu’on estime être la cause du Bien.
Il concerne le plus célèbre réformateur du temps, Turgot. L’homme, ami des philosophes, est droit, honnête, estimable et très décidé à mener sa tâche à bien. Louis XVI le fait entrer « au ministère » juste après son avènement, en 1774. Turgot a déjà en tête de mettre fin à cette vieille société d’ordres, il demande aussi qu’on coupe dans les dépenses, même celles de la Cour ; il supprime des archaïsmes, comme les corvées royales. Il a également des idées économiques nouvelles, il pense qu’il faut sortir la production du carcan qui l’étouffe, la faire respirer, se fier au marché : il est ce que l’on appelle de nos jours un libéral . Précisément, il commence par ordonner la
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