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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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véritable crime de lèse-majesté : ils ont ringardisé Versailles. Sous Louis XIV, la Cour était tout. Dès le règne de Louis XV, figée dans son étiquette d’un autre temps, elle est un théâtre d’ombres qui ne signifie plus rien. La vie souffle désormais dans les salons et dans les livres. Et le pouvoir, ce pouvoir brinquebalant et inadapté ne sait trop que faire pour contenir un vent nouveau dont il sent bien qu’il pourrait finir par tout emporter. Parfois il réprime : plus d’un homme de plume connaîtra la prison. Parfois il prétend s’adoucir : Mme de Pompadour s’est laissée convaincre qu’elle se grandirait à s’entourer d’écrivains. Les encyclopédistes viennent lui faire leur cour en espérant que cela leur permettra de publier en paix. Parfois, le régime est d’une brutalité inouïe : en 1766, après une enquête bâclée concernant la profanation d’un crucifix sur un pont d’Abbeville, le chevalier de La Barre, vingt et un ans, a le poing, la langue puis la tête tranchés par cinq bourreaux : il n’avait pas retiré son chapeau devant une procession et possédait dans sa chambrette un exemplaire du Dictionnaire philosophique , c’est bien la preuve qu’il était coupable.

    Défense de Voltaire
    Oui, nous pourrions ici, dans la perspective qui est la nôtre, tourner la page de ce chapitre. Que dire d’autre qu’on ne trouve chez tant d’excellents spécialistes 2 . De plus, montrer tant d’admiration pour ce mouvement des Lumières, comme on vient de le faire, ne revient-il pas à enfoncer une porte ouverte ? Quel besoin de les défendre ? Eh bien justement.
    Pour comprendre ce point, attardons-nous enfin sur un nom, un nom immense que l’on n’a pas encore prononcé, celui de Voltaire. Nous le gardions, pour ainsi dire, pour la bonne bouche.
    L’homme (1694-1778) résume le siècle. Il lui a donné sa grandeur, il en a connu les bassesses. À trente-deux ans, il est rossé dans la rue par les laquais d’un noble à qui, la veille, il avait parlé un peu vertement. Il veut obtenir réparation de cette humiliation. C’est lui qu’on embastille – telle était la justice. Il a écrit sur tout, beaucoup. Il a touché à tous les genres, surtout ceux qu’on ne lit plus, des tragédies pompeuses, d’interminables poèmes épiques. Il nous a aussi fait deux cadeaux admirables. Le premier est une arme : l’ironie, la célèbre ironie voltairienne dont il se sert pour railler ses adversaires ou toucher au cœur son grand ennemi, le fanatisme, qu’il appelle l’« infâme ». « Écrasons l’infâme » est un leitmotiv qui revient dans ses lettres dès qu’il s’agit de ce qu’il déteste, la superstition, le sectarisme, l’étroitesse d’esprit, les vérités qui se croient révélées. Le second est un principe, il est fort nouveau pour son temps et toujours jeune dans le nôtre : la tolérance. Il la met en œuvre dans ses livres, il la pratique dans la vie. Avec l’affaire du chevalier de La Barre, dont on a parlé – les livres coupables retrouvés dans la chambre du jeune homme sont de sa plume –, le moment emblématique de la légende voltairienne est l’affaire Calas.
    À Toulouse, on retrouve pendu un des fils de cet homme sans histoire qui n’a qu’un défaut : il est protestant. La cause est aussitôt entendue : le père a assassiné l’enfant car celui-ci voulait revenir de l’« Erreur » et se faire catholique. Calas est torturé atrocement et condamné à mort par le parlement de Toulouse. Voltaire, mis au courant par un autre des fils, doute d’abord, puis peu à peu comprend l’horreur d’une instruction à charge, qui n’a été dictée que par les préjugés religieux. Il entame à ses frais une entreprise qui nous semble commune et qui ne l’était pas : une contre-enquête. Il découvre la réalité : le fils s’est suicidé. Le père est mort pour rien. Il faudra à celui que l’on appelle le « patriarche de Ferney », du nom de son domaine de la frontière suisse, soulever les montagnes de l’indifférence et du mépris, envoyer des lettres enflammées à tous les esprits influents, à tous les puissants et à ceux qui ne le sont pas, pour obtenir enfin ce qui n’est que justice : la réhabilitation du faux coupable.

    Nous voulions, un instant, nous attarder sur le grand Voltaire pour nous intéresser à un aspect de sa postérité sur lequel on insiste trop peu : la haine dont il est encore

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