Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
l’Ancien Régime, restons un instant encore sur un nom du temps : la marquise de Pompadour. Nous n’avons fait jusqu’ici que l’évoquer au passage. Revenons-y, elle va nous servir.
Cadrons brièvement les choses, pour la clarté du propos. La Pompadour est née en 1721 Jeanne Antoinette Poisson dans un milieu assez modeste dont elle change vite : elle est élevée par le riche amant de sa mère, un financier qui lui donne une bonne éducation et un petit titre, en lui faisant épouser son neveu. Sa beauté, son esprit, la font remarquer dans les salons. Le petit clan qui l’entoure cherche un moyen de se rapprocher du pouvoir, il la lance comme un appât dans les pattes du roi. Le monarque est un gibier facile quand le chasseur a de tels charmes : il succombe. Elle n’a que vingt-trois ans, il en fait sa maîtresse et la présente à Versailles. Elle y régnera vingt ans en véritable vice-roi, sur tous et sur tout, jusqu’à sa mort en 1764.
Repères
– 1740-1780 : règne de l’impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg
– 1745 : Jeanne Antoinette Poisson élevée au titre de marquise de Pompadour
– 1762-1796 : règne de Catherine II de Russie
– 1774 : Marie-Antoinette reine de France
– 1791 : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, par Olympe de Gouges
Détachons-nous maintenant des détails de la biographie pour nous intéresser au poids symbolique du personnage. Mieux que quiconque, la belle marquise nous offre un condensé de son siècle. Elle le représente même d’une double manière, par son style et par son genre. Les deux éclairent le temps d’une façon différente, lumières et ombres.
Liberté des mœurs
La Pompadour, ses joues teintées de rose, sa taille fine, ses bijoux, ses robes somptueuses, son style, tout de courbes et de matériaux précieux, bois de rose et palissandre. Une rumeur persistante affirme que l’on a inventé les premières coupes à champagne en les moulant sur son sein. Peu importe qu’elle soit vraie. En nous amenant sur un plateau d’argent la blancheur d’une gorge et le pétillant d’une bulle, elle nous conduit où nous voulions aller, au cœur d’une certaine légende de ce siècle, celui des marquises, des boudoirs et des perruques poudrées, celui de la belle société, du raffinement, de la grâce, de l’esprit. C’est l’aspect lumineux de notre chapitre.
Cela va de soi, il n’éclaire qu’une partie infime de la société. La vie dans les campagnes a fort peu bougé depuis le Moyen Âge. Les agronomes, en cette période de grande inventivité, travaillent d’arrache-pied à imposer de nouvelles techniques et de nouvelles cultures (la plus célèbre est celle de la pomme de terre), mais les progrès qui augmenteront les rendements et amélioreront l’ordinaire sont lents à se mettre en place. En ville, et pas seulement dans les faubourgs, règnent une saleté et une misère dont on n’a pas idée. Le malheur du peuple est grand même si, hélas, il ne sait pas qu’il connaîtra encore pire : la vie de l’apprenti d’un artisan, du commis d’un gantier, du garçon d’un ébéniste dans une bourgade du temps de Louis XV devait être dure, mais elle le fut assurément moins que celle d’un ouvrier assommé par les cadences et le bruit des machines dans les immenses usines du xix e siècle.
L’effervescence culturelle, de la même manière, ne dépasse pas les limites d’un tout petit public. L’Europe cultivée, on l’a dit, lit avec passion et parle français. La France dans sa majorité ne le parle pas et ne l’écrit guère : la plupart des paysans, des humbles, s’expriment dans les patois, dialectes, ou langues différentes attachés à chaque province.
Il n’empêche, pour ceux qui ont eu le privilège d’en jouir, ce temps a porté haut une élégance que l’on ne retrouvera pas de sitôt. C’est le siècle de l’ esprit , du mot , de la saillie , celui du moraliste Chamfort, celui du polémiste Rivarol, si méchant et si brillant. Il a débuté avec les comédies de Marivaux ( La Surprise de l’amour , 1722), il se ferme avec celles de Beaumarchais, personnage multifaces, espion, vendeur d’armes aux insurgés d’Amérique, horloger, inventeur et même dramaturge, nul n’est parfait. Le triomphe de son Mariage de Figaro (1784) sonne le dernier acte de l’Ancien Régime, dans les rires et le pétillement. La pièce avait été interdite pendant six ans. Du
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