Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
les écrous en faisant succéder « l’Empire libéral », à « l’Empire autoritaire ». En fait, du coup d’État à la chute du régime, les principes appliqués sont simples : censure de la presse ; opposition muselée ; élections faussées (le préfet nomme des « candidats officiels » qui seuls ont droit à l’affichage et à la publication de leur programme, ce qui ne laisse quasiment aucune chance à leurs rivaux) et, parfois, des « plébiscites » pour faire semblant de quérir l’assentiment populaire, comme du temps de l’oncle.
Depuis la fin du xx e siècle, en France, de nombreux historiens ou hommes politiques ont écrit des livres pour tenter de réhabiliter la période, à leurs yeux trop décriée jusqu’alors. Le phénomène est normal, le balancier est parti dans un sens, il part dans l’autre, dans quinze ans on écrira à nouveau le contraire. N’oublions pas toutefois à quel point le Second Empire fut détesté par ses opposants, n’oublions pas ce que la république qu’ils fondèrent ensuite doit à cette réaction quasi allergique au régime : les principes posés alors sont toujours les nôtres et ils viennent de là. Si la III e République fut à ce point déterminée à promouvoir et à défendre les libertés publiques – presse, réunion, etc. –, c’est aussi parce qu’elles avaient été bafouées pendant vingt ans. Si toutes les Constitutions depuis, même celle qui laisse beaucoup de place au président, celle de la V e , ont pris garde à maintenir les droits et la puissance du Parlement, si elles se méfient du « césarisme », comme on l’appelle en politique, c’est-à-dire le pouvoir autoritaire d’un seul, c’est toujours à cause du mauvais souvenir laissé par un certain prince-président-empereur.
En économie, c’est l’explosion. La période est celle de l’essor industriel et financier, les usines couvrent de nombreuses régions françaises, les villes se développent et se métamorphosent à une vitesse jamais vue jusque-là. Le grand nom est celui d’Haussmann, préfet de la Seine, qui refait Paris, détruit les quartiers insalubres, perce, creuse, trace de grands boulevards qui ont toutes les qualités : ils assainissent l’urbanisme et peuvent servir à transporter la troupe en cas de désagréments sociaux.
Napoléon III, pourtant, aime à se souvenir qu’au jeune temps où il se disait socialiste, il avait écrit un ouvrage intitulé L’Extinction du paupérisme . Il fait parfois quelque effort envers les classes populaires : c’est lui qui, en 1864, donne le droit de grève aux ouvriers. Pour autant, les grands bénéficiaires du système se trouvent de l’autre côté de l’échelle sociale. Les spéculateurs règnent, dont le moins scrupuleux campe au sommet de l’État : le duc de Morny, demi-frère de l’empereur. Il bâtit une immense fortune en jouant ses meilleurs coups dans l’immobilier ou l’industrie grâce aux renseignements qu’il tient de sa position. À travers l’histoire de la famille Rougon-Macquart, Émile Zola entreprendra plus tard de
décrire le Second Empire sous toutes ses facettes. Le volume consacré au monde des affaires s’appelle La Curée .
On ne saurait, enfin, être un Bonaparte sans chercher la gloire hors des frontières. Le neveu, heureusement pour ses voisins, n’est pas un conquérant. Il rêve plutôt de passer à la postérité comme apôtre d’une Europe renouvelée, où chaque « nationalité », c’est-à-dire chaque peuple, aurait sa juste place. Noble idéal. La réalité est moins facile. Dans les faits, sa politique étrangère sera toujours confuse et souvent ratée.
Pour contrer la Russie qui veut dépecer l’Empire ottoman, il se range au côté de l’Angleterre pour défendre le sultan contre le tsar. C’est la guerre de Crimée (1854-1856), affreusement meurtrière, qui ne nous laisse qu’un nom de boulevard en commémoration d’une victoire, Sébastopol, et guère plus.
L’empereur est favorable à l’unification de l’Italie, toujours morcelée. Il accepte d’aider Victor-Emmanuel, le petit roi de Piémont-Sardaigne, qui, avec son célèbre ministre Cavour, veut la faire à son profit. Il envoie des troupes pour repousser les Autrichiens des plaines du Nord – une victoire à Magenta, puis un carnage à Solferino. Les Autrichiens cèdent. Victor-Emmanuel reçoit la Lombardie, la France récupère en échange Nice et la Savoie.
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