Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
travail ». En a découlé l’idée de démarrer de vastes chantiers publics appelés à donner de l’ouvrage aux nombreux chômeurs que compte la ville : les « ateliers nationaux ». Leur mise en œuvre est-elle sabotée par le haut, par ceux à qui le gouvernement demande de s’en occuper, et qui, comme par hasard, sont ceux qui en étaient les opposants de principe ? C’est ce que pensera plus tard la gauche. Sont-ils au contraire une utopie stupide, une chimère détachée de toute faisabilité économique et vouée par essence à l’échec, comme l’a pensé dès le départ la droite ?
Le fait est que très vite, quelle que soit la cause du dysfonctionnement, ces ateliers se révèlent un gouffre financier ingérable. En juin, le gouvernement, poussé par l’assemblée conservatrice sortie des élections en avril, décide de leur fermeture. Émeutes de protestation de la part des ouvriers que la perte de ce maigre emploi rejette dans la misère. L’homme fort du gouvernement, le général Cavaignac, ne s’embarrasse guère de considérations philanthropiques : il envoie l’armée. La répression sera d’une férocité inouïe. En quelques jours, elle fera des milliers de victimes. Une haute muraille de cadavres et de sang qui crée une rupture totale entre les prolétaires et la jeune république.
Les possédants soupirent de soulagement. Toujours cette même hantise, toujours cette « peur du rouge », un leitmotiv politique que l’on commence à entendre. Le « parti de l’ordre », conglomérat de monarchistes déguisés en républicains modérés, règne. En décembre 1848, comme la nouvelle Constitution l’a prévu, on organise une élection présidentielle, la première au suffrage universel masculin en France. Moins de 1 % des voix pour Raspail, le socialiste ; à peine 5 % pour Ledru-Rollin, l’homme de gauche ; 19,5 % pour Cavaignac, le républicain autoritaire. La mise est raflée par un outsider surgi de nulle part : Louis Napoléon Bonaparte (1808-1873), 75 % des votes !
Un an auparavant, personne n’aurait parié cent sous sur cet obscur aventurier. Neveu de l’Empereur (il est fils de son frère Louis), il était, depuis la mort de l’ Aiglon en 1832, le chef de la famille impériale. Qui croyait en son destin, sinon lui-même ? Par deux fois, il avait tenté de s’emparer du pouvoir grâce à des conspirations de vaudeville qui l’avaient conduit en prison. Depuis la révolution de Février, certains lui avaient concédé un rôle, celui d’utilité. « C’est un dindon qui se croit un aigle, c’est un crétin que l’on mènera », aurait dit Thiers, en le poussant dans le dos. Devenu le « prince-président » à quarante ans tout juste, le volatile se révèle futé. Il joue sur la corde du souvenir impérial qu’il teinte de vagues promesses sociales pour se gagner les cœurs cocardiers et les suffrages des couches populaires. Il se montre homme d’ordre et d’autorité pour rassurer les puissants. Partout, il tisse ses réseaux et place ses amis.
Le 2 décembre 1851, jour anniversaire d’Austerlitz et du sacre de son oncle, il abat son jeu : le coup d’État. Dissolution de l’Assemblée et pleins pouvoirs. En province, on se bat au nom de la légalité, beaucoup plus que nous l’a fait croire longtemps la propagande impériale, nous disent aujourd’hui les historiens, mais la répression est farouche et étouffe vite la résistance. À Paris, on monte quelques barricades. Baudin, un député héroïque, est tué. D’autres sont emprisonnés, d’autres encore prennent le chemin de l’exil. Les faubourgs populaires, eux, ont été très calmes. Qui aurait eu envie de se battre pour défendre une assemblée qui, trois ans auparavant, avait fait tirer sur le peuple ? Un an plus tard, le prince-président suit les traces de l’oncle, il prend le titre d’empereur. Le chiffre II était celui du fils de Napoléon I er . Le neveu se fait donc appeler Napoléon III. Victor Hugo, son plus célèbre opposant, exilé du début à la fin du régime pour ne pas se compromettre avec celui qui a tué la république, ne l’appelle que Napoléon le Petit .
Le Second Empire
La période est riche : dix-huit ans, ce n’est pas rien dans la vie d’un pays. Tâchons de les résumer.
À l’intérieur, le Second Empire, comme le premier, est d’abord une dictature. Sur la fin, dans les années 1860, l’empereur fera mine de desserrer
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