Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
puis le nazisme. Bien sûr, ajoute-t-on aussitôt, Versailles n’est pas la seule cause du triomphe ultérieur de Hitler. C’est évident. Les raisons de sa victoire sont complexes, les causes multiples et, par ailleurs, le fait est indéniable, le personnage appartient à l’histoire allemande, et à elle seule.
Nous nous livrions à un jeu de comparaison, puisque nous en sommes là poussons-le pourtant jusqu’au bout de sa logique. Imaginons que les généraux allemands aient remporté leur fameuse offensive du printemps 1918, que Paris ait été occupée, que la France à genoux ait été obligée de demander l’armistice et que ce soit elle, après la guerre, qui ait eu à souffrir de traités faits pour la ruiner, l’humilier, l’abaisser. Que se serait-il passé ? La République aurait-elle tenu ? Par où serait passé la soif de vengeance et de revanche d’un peuple brisé ? Nous venons de l’écrire, la France n’aurait pas pu inventer Hitler, qui n’appartient pas à son histoire. Est-on bien sûr qu’elle aurait réussi à ne pas enfanter un autre monstre ?
1 Parmi mille autres, un des classiques sur la Première Guerre mondiale est le livre de Marc Ferro, La Grande Guerre (« Folio », Gallimard, 1990). Ceux qui aiment les synthèses très pédagogiques liront La Grande Guerre , de Stéphane Audouin-Rouzeau et Annette Becker (« Découvertes », Gallimard, 1998). Ou encore l’ouvrage collectif Mourir pour la patrie , un recueil d’articles (« Points », Le Seuil, 2007) qui fait la part belle à l’histoire des mentalités.
2 La Guerre censurée , « Points », Le Seuil, 2003.
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Le Front
populaire
Les années 1930 en Europe sont brutales. Une terrible crise économique, consécutive à l’effondrement financier de la Bourse de New York en octobre 1929, a jeté des millions de personnes à la rue de par le monde et ruiné des pays entiers. Elle se double d’une crise politique de grande ampleur. La démocratie parlementaire, avec ses discussions infinies, ses majorités qui changent, son légalisme tatillon, apparaît à beaucoup comme un régime faible, incapable de résoudre le problème de l’heure. Dès 1922, par la brutalité, la caporalisation des esprits, et un grand sens de la manipulation des masses, le dictateur italien Mussolini avait emmené son pays sur une autre voie, le fascisme. En 1933, Hitler est arrivé au pouvoir en Allemagne. En France, la République se débat dans des scandales financiers qui éclaboussent la classe politique. Affaire de « la banquière » Marthe Hanau, affaire du spéculateur Oustric, affaire Stavisky. En quelques années à peine, à la fin des années 1920 et au début des années 1930, de grands faits-divers montrent à l’opinion atterrée la complicité de ces escrocs avec les milieux du pouvoir. Le 6 février 1934, pour protester contre la « gueuse », les « brigands au pouvoir », la « démocrassouille », les ligues d’extrême droite manifestent dans la rue à Paris et menacent d’investir la Chambre des députés. La police réplique avec violence. La journée s’achève sur un bilan très lourd, 17 morts, plus de 1 500 blessés et une grande peur à gauche : ceux-là aussi voudraient donc instaurer le fascisme en France ? Dans les jours qui suivent, le parti socialiste et le parti communiste, alors rivaux, organisent chacun de leur côté des contre-manifestations pour répondre aux « ligues factieuses », et à plusieurs endroits les militants des deux cortèges font ce que n’ont jamais réussi à faire les socialistes et les communistes allemands pour barrer la route aux nazis : ils se rejoignent. L’idée d’un combat commun se fait jour. En 1935, ces deux mouvements de gauche, auxquels s’est joint le parti radical, forment une coalition en vue des élections à venir. Sa philosophie tient en trois mots : « Le pain, la paix, la liberté. » Sa bannière en deux : « Front populaire. » Un an plus tard, aux deux tours des législatives, fin avril et début mai 1936, les électeurs lui donnent une écrasante majorité de sièges à la Chambre des députés. Un mois plus tard, il en découle un événement considérable : le président de la République appelle pour la première fois dans l’histoire de France un socialiste à former un gouvernement.
Repères
– 1905 : unification du socialisme français à la demande de la Deuxième Internationale ouvrière ;
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