Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
qui se fait assassiner à son tour sur le pont de Montereau, lors de la fausse tentative de réconciliation avec Charles VII, laissant ainsi la tête de sa maison à son fils, le brillant Philippe le Bon. Celui-là est l’homme qui, de rage, joue alors l’alliance anglaise, il est le chef de ces Bourguignons qu’haïssait tant Jeanne d’Arc et qui la firent prisonnière devant Compiègne – c’est lui enfin qui, ultime revirement, scella la paix avec son cousin Charles VII par le traité d’Arras de 1435.
Le riche patrimoine de nos Bourguignons s’étendait déjà bien au-delà des vertes collines du Charolais ou du Morvan et dépassait aussi de loin les seules limites du royaume de France. En 1369, pour éviter que ce comté riche et convoité ne passe aux Anglais qui en rêvaient, le roi de France Charles V a poussé son frère, le même Philippe le Hardi, à épouser la fille du comte de Flandre. Voici donc, dès le milieu du xiv e siècle, nos Valois-Bourgogne implantés au nord, sur ces plats pays. Ils prennent goût aux jeux subtils d’héritages, de mariages, de rachats qui permettent d’étoffer une pelote. Oublions-en les détails et admirons le résultat : vers le milieu du xv e siècle, le duc de Bourgogne a des domaines qui s’étendent de Groningue au nord jusqu’aux portes de Lyon. Officiellement, il est toujours vassal du roi de France pour une partie de ses États ; il doit aussi l’hommage au chef du Saint Empire pour d’autres possessions, comme le Luxembourg ou le Brabant. En fait, il est devenu un des plus puissants personnages d’Europe.
Philippe le Bon n’est plus un petit seigneur français comme un autre. Il se voit même plus haut qu’un prince de sang. Il se fait appeler « grand duc d’Occident » et le faste de son règne est à l’avenant de ce titre. Ses terres ont été majoritairement épargnées par la guerre de Cent Ans. Il possède les villes les plus prospères, Gand, Bruges, Anvers. Sa cour est la plus brillante, elle siège à Dijon mais surtout à Bruxelles. Les meilleurs artistes du temps, comme le célèbre peintre Van Eyck, sont à son service. Les événements les plus splendides et les plus délirants se succèdent, comme le « banquet des faisans » donné à Lille, une de ses riches capitales administratives, au cours duquel on présente aux convives d’immenses pièces montées emplies de musiciens, de jongleurs, et même d’un montreur avec son ours. Le duc s’attache ses vassaux en créant pour les plus fidèles l’« ordre de la Toison d’or ». La vie de sa cour est réglée selon un protocole très strict, qu’il invente, et qui sera bientôt, via sa descendance, copié dans toute l’Europe : l’étiquette.
Un seul détail, au fond, manque qui rendrait parfait ce prestigieux tableau. Il faudrait que ce qui n’est encore qu’un conglomérat complexe de provinces trop disparates devienne enfin un véritable État. Ce sera la grande ambition du fils de Philippe, l’impulsif, le flamboyant Charles, resté dans l’histoire sous le nom du Téméraire. Il faut, pour que ce rêve devienne une réalité viable, réussir un pari risqué mais essentiel : joindre la partie sud des possessions bourguignonnes (le duché à proprement parler et la Franche-Comté qui le jouxte – dans la langue du temps on les appelle les États de par-delà ) à la partie nord (ses « Pays-Bas bourguignons », qui couvrent alors l’Artois, la Flandre, le Brabant, etc. – les États de par-deçà ). Il lui faut donc réussir à avaler la Champagne, la Lorraine, l’Alsace.
Seulement, à l’ouest, un autre est là qui rêve lui aussi d’agrandir son domaine, veille au grain, et n’a aucune envie de voir à ses frontières grossir un si puissant voisin : le cousin de France, un certain Louis XI.
Pour dépeindre comme il faut le duel entre les deux rivaux, il faudrait abandonner ce livre tel qu’on l’écrit et entamer un long roman à lui seul consacré 2 . Suspense psychologique, rebondissements multiples, qui va gagner ? Qui va tuer l’autre ? Rien ne manque pour réussir le thriller idéal. Sur le plan du caractère, de l’allure, du lustre, tout oppose les deux hommes. Charles est lettré et fin, mais aussi impulsif et colérique, et, comme son père, il est l’homme de la splendeur bourguignonne, portant beau, menant grand train. Face à lui, notre roi de France a des airs de cousin de province. Il est toujours mal vêtu,
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