Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
monte de mauvais chevaux, déteste la Cour et l’apparat, n’hésite pas à dormir dans de vilaines auberges quand il visite son royaume, suivi tout au plus des deux ou trois compagnons qui forment sa seule escorte. Bien des choses aussi les rapprochent. Nous ne sommes pas, ici, dans une de ces guerres entre étrangers, comme on en verra au xix e siècle ou au xx e . Les deux hommes sont parents, ils se connaissent bien et depuis longtemps. Louis, dans sa jeunesse, détestait tant son père, a tant comploté contre lui, tant suscité de révoltes pour tenter de lui ravir son trône qu’il a même été contraint, pour fuir la colère du roi, de se sauver loin du Dauphiné dont il était le seigneur. C’est Philippe le Bon qui lui a offert l’asile, près de Bruxelles : il y demeura des années, jusqu’à la mort du roi son père, observant à loisir cette cour de Bourgogne qui le fascinait autant qu’il la jalousait. Charles VII, connaissant son fils mieux que personne, avait dit, d’une formule restée célèbre : « Mon cousin de Bourgogne nourrit le renard qui lui mangera ses poules. »
Il lui faudra quelques années pour y parvenir. Dès le début du règne de Louis, le vent mauvais des retournements d’alliances se remet à souffler. Le nouveau roi doit déjà faire face à une fronde des grands du royaume, réunis dans « la ligue du Bien public », dirigée par le propre fils de son prétendu protecteur d’hier : celui qui ne s’appelle encore que le comte de Charolais, notre Charles, futur Téméraire. Gardons-en quelques images : celle de l’incroyable entrevue de Péronne (1468), par exemple. Louis XI se rend en Picardie, dans le château de son cousin devenu duc, pour négocier la paix. Celui-ci apprend le jour même que des émissaires du roi de France sont en train de fomenter une sédition à Liège, ville qu’il convoite. Hystérique, furieux, le Téméraire veut se venger de cette fourberie en tuant le roi de ses propres mains. Il se retient mais traîne le perfide jusqu’à Liège. Pour lui montrer qui est le maître, il fait brûler la pauvre ville et fait massacrer devant lui ses habitants qui osaient croire en son alliance. Puis il lui soutire d’énormes concessions territoriales pour lui et ses amis, les autres princes frondeurs. Louis, penaud, craintif, réussit à s’échapper des griffes du furieux en faisant toutes les promesses, et, sitôt rentré en sûreté à Paris, n’en tient aucune et relance de plus belle plans et manigances pour venir à bout du rival détesté.
Ce jeu de dupes, de colères, de retournements durera dix ans. Bien d’autres pions apparaissent sur l’échiquier. Pour mener à terme la jonction entre ses États, Charles mène la guerre à l’est, il combat les Suisses, qu’on dit payés par Louis XI, et qui lui infligent des défaites cuisantes. Le dieu des armes n’est plus avec le Bourguignon. Il s’entête, affronte maintenant un autre allié du roi de France, le duc de Lorraine, et meurt finalement en 1477, devant Nancy qu’il assiège. Il faudra plusieurs jours pour retrouver son corps, nu et gelé, à moitié dévoré par les loups. Splendeurs et déchéance de la puissance humaine. Le grand Michelet tirera de la scène des pages riches en frissons. Louis XI en tire le gros lot. La seule héritière de Charles le Téméraire est Marie de Bourgogne, une fille bien jeunette. Le roi perfide en profite pour confisquer les terres qu’il estime de sa suzeraineté, la Bourgogne, la Picardie, le Boulonnais.
L’histoire ne s’arrête jamais. Par ce geste même, Louis vient de semer les graines d’un autre conflit qui n’est pas près de finir. Par crainte d’une France si brutale, Marie de Bourgogne ira chercher un mari qui l’en protège : elle épouse un prince d’Empire, Maximilien d’Autriche. Cela fait naître une nouvelle rivalité qui déchirera l’Europe pendant des siècles, celle qui oppose la maison de France et la famille de Maximilien, les Habsbourg.
Mais le chapitre ouvert par Philippe le Hardi cent ans plus tôt est clos. Aucun nouvel État ne verra le jour entre la France et le Saint Empire, nul n’assistera à la résurrection de l’ancienne Lotharingie, ce royaume médian issu de l’empire de Charlemagne, comme l’avait imaginé Charles le Téméraire. Tous les historiens, à raison, enterrent cette espérance, et le font avec une formule consacrée, on la retrouve dans tous les livres : c’est la
Weitere Kostenlose Bücher