Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
de son action : la construction politique de notre pays. Le rôle de notre roi dans ce domaine est considérable. C’est sous son impulsion que s’accentue dans ce domaine aussi le lent passage de l’univers féodal à la nouvelle organisation qui peu à peu va dominer notre pays, la monarchie absolue. François, dans ses palais, est le premier à mettre en place autour de lui une institution apparemment frivole, et qui est appelée à tenir un grand rôle politique : la Cour. Au Moyen Âge, le mot désignait le conseil du roi, les grands qui l’aidaient à gouverner. La Cour prend la forme que nous lui connaissons : cet aréopage brillant de jolies femmes et de beaux messieurs, de nobles, de poètes et de savants qui forment l’entourage du roi. L’assemblée est nombreuse. Qu’importe. Le prince ne regarde pas à la dépense et il aime bouger, cela fait du mouvement sur les routes chaotiques du royaume. Quand il erre de château en château, de Blois en Chambord et de Chambord en Fontainebleau, la Cour le suit. Avec les domestiques, l’intendance, les gardes, on pouvait voir jusqu’à 15 000 personnes brinquebalées dans de beaux carrosses ou d’humbles charrettes, suivies par des malles débordant de vaisselle, de bijoux ou de tentes : il fallait bien coucher tout ce monde pendant les étapes. La Cour : des bals, des fêtes, un univers policé où tous les rapports se font sous le masque de la courtoisie et du raffinement. Mais aussi un redoutable instrument de pouvoir. Les apparitions extraordinaires du roi dans ses voyages servent à éblouir ses sujets. La Cour met en scène sa centralité ; elle donne le spectacle permanent de son omnipotence – tout émane de lui, grâces et disgrâces, fortunes et défaveur –, elle offre une représentation de sa majesté. Henri III perfectionnera le système, Louis XIV le poussera jusqu’à sa caricature, François en est le premier inspirateur.
Cette forme de pouvoir a un avantage d’importance que souligne l’excellente spécialiste de la période Janine Garrisson, déjà citée. Contrairement à ce qui se passe dans les systèmes où prévalent les « conseils » entourant le roi, ou les assemblées de barons, presque toujours exclusivement masculins, la Cour dans cette version moderne permet aux femmes d’entrer dans le jeu politique. En revanche, les grands seigneurs d’hier, devenus courtisans du prince, perdent nécessairement l’autonomie qu’ils avaient quand ils régnaient en maître dans leurs fiefs. Les temps du fief sont au bord de passer. Malheur à ceux qui ne l’ont pas compris !
On parlait beaucoup dans les manuels de jadis du connétable de Bourbon, le méchant du chapitre. Ce grand seigneur français, valeureux soldat et héros des guerres d’Italie, n’avait-il pas commis l’irréparable ? Il avait trahi son roi pour se rallier à l’ennemi de la France, l’empereur Charles Quint. On oubliait souvent de préciser les raisons de ce changement de casaque : le procès inique intenté par le roi (et sa mère, qui se prétendait héritière de son fief) au malheureux connétable, dans le seul but de mettre la main sur ses riches terres du Massif central, dernier grand domaine à échapper à l’autorité royale.
Sous François I er , nous disent les spécialistes, on passe de la suzeraineté à la souveraineté . En clair, on oublie les hiérarchies complexes de la féodalité pour en venir à un principe plus simple : le royaume est la propriété du roi. François I er est celui qui clôt les ordonnances royales par une formule que d’autres rois ont déjà employée avant lui, mais qu’il rend populaire : « Car tel est notre bon plaisir. » Sous son règne se développent les impôts et les fonctionnaires. On a besoin d’argent pour financer les dépenses et les guerres du roi, alors on vend les offices, c’est-à-dire les charges dans ce que nous appellerions l’administration, à une nouvelle classe montante : on l’appelle la « noblesse de robe » pour l’opposer à l’ancienne, celle qui se faisait sur les champs de bataille, la « noblesse d’épée ». Le système, pourquoi le nier, a laissé de grandes choses. Le roi veut que resplendissent les arts et les sciences. Il crée le « collège de lecteurs royaux » (qui deviendra notre Collège de France) pour que soient enseignées ces matières incroyablement nouvelles que l’université d’alors ignorait : l’hébreu, le grec,
Weitere Kostenlose Bücher