Nostradamus
plan. Il
n’avait qu’une vingtaine d’estafiers. Pas de cris. La besogne
méthodique de gens qui connaissent leur affaire. La porte
gémissait. Elle s’éventrait, se lézardait. Elle était à
l’agonie.
– Myrta, ma petite Myrta, ma grande sœur,
ce n’est pas ma faute. Tu as été pour moi comme une mère. Tu me
pansais quand j’étais blessé. Tu me donnais à manger quand j’avais
faim. Tu m’ouvrais ta maison quand j’étais sans gîte. Et moi
j’aimais à être grondé par toi. Quand tout me manquait, je me
disais : J’ai Myrta. Et j’étais consolé. Je t’aimais plus que
tout le monde. Et je t’aime, Myrta, comme la meilleure créature qui
soit sous le ciel pour moi. Je viens de voir ce que tu as fait en
bas. Pendant que je dormais ! Ô Myrta, ce n’est pas ma faute
si je l’ai rencontrée,
elle,
et si… Myrta, je mourrai
heureux si c’est toi qui es près de moi pour me fermer les
yeux…
Ces derniers mots firent tressaillir Myrta.
Elle songeait :
– Je ne veux pas qu’il meure ! Et
c’est moi, moi Myrta qui le sauverai. Non pas
elle !…
Elle descendit la première. Sur sa robuste
épaule, elle portait la caisse qu’elle avait remplie de cette
poudre qu’elle avait obtenue de son moulin. C’était du poivre.
Beaurevers avait compris. Il descendit et vit
Myrta qui, au pied de l’armoire et des bahuts, entassait de la
paille ; sur la paille, des copeaux ; sur les copeaux, du
bois sec. Près du trou de cave, elle plaça une cire allumée.
Sous un coup de madrier, la porte se fendit.
Dans la rue, une voix brève et rude jeta :
– Attention ! Entrez de
front !
La porte tomba. Trois hommes entrèrent de
front, la brette au poing. Trois autres venaient derrière. Ils
étaient de l’escadron de fer. En un clin d’œil tout l’escadron fut
dans la salle, écartant à coups de pied escabeaux, tables et bancs,
se ruant sur Le Royal. Sa rapière siffla, s’allongea trois fois. Il
y eut trois râles. Le Royal se redressa, hurlant :
– Beaurevers ! Beaurevers !
Le temps de jeter ce cri de guerre, et il
retomba en garde ; brusquement, un rire féroce : sa
rapière venait de se briser !
– Désarmé ! Désarmé !
– Prenez-le !
Ils étaient une huitaine qui marchaient sur
lui, soutenus par une autre huitaine. Il reculait vers le rempart
des bahuts. Après la clameur, il y eut un silence plein d’angoisse.
Ils marchaient. Il était désarmé. Il reculait. Mais cette figure
convulsée, cet être dont chaque geste portait la mort leur
faisaient peur.
– Sang et tonnerre ! Prenez-le
donc ! rugit Roncherolles.
La bande entière eut un en avant ; il y
eut une ruée silencieuse et soudain une reculade furieuse, un
infernal feu d’artifice d’imprécations, de hurlements, de
grognements : je n’y vois plus ! je suis aveugle ! à
moi ! de l’eau, de l’eau ! mes yeux !…
À poignées, Myrta lançait le poivre ! À
rudes et violentes envolées, en plein dans les yeux, elle épiçait
la bande !
– Les haches ! dit-elle
froidement.
Beaurevers vit les haches, en saisit une et se
jeta à l’abordage. Alors, ce fut effroyable. Dans la mêlée
tourbillonnante, on entendit des coups sourds de crânes fracassés,
d’épouvantables râles ; dix ou douze hommes sur le carreau se
roulaient dans les convulsions suprêmes. À poignées furieuses,
Myrta aveuglait les combattants. La hache se levait, s’abaissait,
frappait, coupait, tranchait, et dans ce tumulte sans nom, le cri
strident, féroce :
– Beaurevers ! Beaurevers !
Dans cette seconde, il tomba derrière le
bahut, la hache lui échappa… Lagarde, d’un coup furieux, venait de
l’abattre.
Les combattants n’avaient pas vu tomber
Beaurevers. Ils l’avaient simplement vu disparaître derrière les
bahuts. Haletants, ils contemplèrent un instant les cadavres, les
murs éclaboussés, l’énorme désordre. Tous regardaient cette
fortification derrière laquelle Beaurevers attendait. Puis,
assurant leurs armes, ils se ramassèrent pour l’assaut… À ce
moment, une fumée noire, épaisse, envahit la salle.
– Le feu ! Le feu !…
Les flammes tout à coup fusèrent. Les bahuts
flambaient. La grosse armoire flambait. En quelques secondes, la
salle fut en feu. Les assaillants battaient en retraite dans la
rue.
– Mille écus à celui qui a mis le
feu ! cria Roncherolles.
– C’est moi ! répondit un survivant
de l’escadron.
Des maisons voisines, des cris de
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