Nostradamus
loin,
près d’une tente, les quatre compères immobiles, vers lesquels elle
se dirigea. Et, comme elle approchait, elle vit qu’ils
pleuraient.
Qui pleuraient-ils ? Il n’y avait qu’un
homme au monde que ces quatre-là étaient capables de pleurer. Elle
courut à eux, avec la certitude d’un malheur.
– Que lui est-il arrivé ?
– Il est arrêté !
Les estafiers ne se trompèrent pas plus à la
demande que Myrta ne se trompa à la réponse :
lui…
il…
cela ne pouvait signifier que : Le Royal de
Beaurevers. Elle devint très pâle.
– Arrêté !… Par qui ?…
– Roncherolles ! dit
Corpodibale.
Il sembla à Myrta qu’elle allait mourir. Mais
elle avait l’âme forte. Elle dompta sa douleur.
– Pourquoi l’a-t-on arrêté ?…
– C’est lui qui l’a voulu ! dit
Trinquemaille. Pourquoi ?
– Il n’a pas voulu tuer Roncherolles, dit
Bouracan.
Myrta frissonna de jalousie. Le Royal s’était
laissé arrêter plutôt que de frapper le père de Florise !…
– Comme il l’aime ! songea-t-elle,
désespérée.
Mais, dans le même moment, cet élan de
jalousie s’affaissa. Sa douleur se concentra en une pensée
unique :
– Il faut que je le sauve !…
Elle se fit raconter l’arrestation dans tous
les détails. Ils ne pleuraient plus. Et elle leur donna ses
ordres.
– Vous allez rentrer au Louvre, puisque
vous y logez, Y a-t-il un moyen de parvenir jusqu’à vous, de jour
ou de nuit ?
– C’est facile. Il y a un mot spécial
pour nous : Pierrefonds.
– C’est bien. Rentrez. Et attendez.
Tenez-vous prêts à agir quoi que je vous fasse savoir. C’est pour
lui !…
Est-ce dit ?
Déjà Myrta s’éloignait en courant. À leur
tour, les estafiers partirent empressés, se disant entre
eux :
– Elle le sauvera !…
IV – LA MÈRE
« Il faut que je le sauve !… »
Myrta se répétait cela en courant vers la rue de la Tisseranderie.
Mais comment sauver Beaurevers ? Comment pénétrer au
Châtelet ? Et une fois entrée, comment en faire sortir le
prisonnier ?…
Lorsqu’elle arriva rue de la Tisseranderie,
Myrta cria, sanglota. Aux questions de la Dame sans nom, elle ne
put que dire :
– Oh ! madame… il va
mourir !
Marie de Croixmart jeta un cri : tout de
suite, elle avait compris qu’il s’agissait de Beaurevers. Elle se
redressa.
– Et que m’importe ! se
gronda-t-elle. Qui est ce jeune homme ? C’est celui qui aime
la fille de Roncherolles. La malédiction est sur lui puisque son
cœur va à des maudits…
Presque aussitôt, elle ajouta,
frissonnante :
– Pauvre jeune homme !…
Et alors elle s’aperçut qu’elle-même
souffrait, comme si
ce jeune homme
qu’elle connaissait à
peine eût été
son fils.
À ce moment, la porte de la pièce
voisine s’ouvrit, et Florise entra. Elle était habillée comme pour
sortir. Son visage était blanc comme cire, mais ses yeux disaient
toute la vaillance de son âme. Et sa voix, ne trembla pas
lorsqu’elle dit :
– Myrta, comment et pourquoi
va-t-il
mourir…
Il y avait là trois femmes séparées par une
sourde hostilité.
Pour Marie de Croixmart, Florise était une
Roncherolles.
Pour Florise, Myrta n’était pas la sœur de
Beaurevers.
Pour Myrta, Florise était la rivale
heureuse.
Marie de Croixmart frémit. La voix de Florise
était un poème de douleur et de vaillance. Marie étudia Florise.
L’amour rayonnait sur ce visage de vierge. Marie sentit son cœur
battre à grands coups, mais elle se cria :
– Non, non, je ne puis aimer la fille de
Roncherolles !
La voix de Myrta fut stridente
d’amertume :
– Sachez, dit-elle, que votre père n’est
plus au Châtelet, et que le roi lui a rendu ses fonctions de
grand-prévôt…
– Ah ! fit Florise.
– Comprenez-vous ?… Non ?… Eh
bien ! le grand-prévôt et Le Royal de Beaurevers se sont
rencontrés…
– Ah ! fit encore Florise.
– D’un geste, Beaurevers pouvait assurer
sa liberté et sa vie ; mais ce geste eût tué votre père… Le
grand-prévôt l’a traîné au Châtelet. Comprenez-vous,
maintenant ?
Myrta s’effondra. Les yeux de Florise ne
versèrent pas une larme. Elle se tourna vers Marie de Croixmart, et
dit doucement :
– Adieu, madame. Soyez remerciée de votre
hospitalité. Vous ne m’aimez pas. Je vous aime, parce qu’il vous
aimait…
Elle descendit sans hâte. Seulement elle
marchait comme une somnambule, et elle se disait :
–
Je lui ai
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