Nostradamus
Vous !…
Nostradamus !…
– Je m’appelle ainsi. Mais j’ai porté
jadis un autre nom.
– Un autre nom ? balbutia
Saint-André, livide.
– Descends dans tes souvenirs de jeunesse
et tu y trouveras ce nom. J’étais heureux ! L’amour inondait
mon cœur. Et la confiance m’illuminait de ses lueurs radieuses.
Confiance en la vie, confiance en ma fiancée, confiance, oh !
confiance en mes amis ! Cherche, comte !
– Ce nom ! Ce nom ! râlait le
comte.
– Écoute-le dans ta conscience !
répondit Nostradamus. Et il s’en alla.
– Cet homme est fou ! bégaya
Saint-André ! Il s’appelle Nostradamus. Il n’a jamais eu
d’autre nom. Oh ! le misérable ! Comme il me fait
souffrir !… Quoi ! C’est mon fils qui me tue ! Qui
est cet homme qui m’a assassiné ?… Nostradamus !
Oh ! je…
Dans cet instant, subitement, il y eut dans
son cerveau ce fracas de cloches qu’il avait entendu, – et le nom
tonna en lui, cette fois, avec toute sa signification :
Renaud !…
– Puissances du ciel !… C’était
Renaud !…
Lorsque, le lendemain, des serviteurs
retrouvèrent leur maître dans ce coin de ténèbres, Saint-André se
laissa emmener docilement. Et lorsqu’il fut remonté à la lumière du
jour, on vit que ses cheveux étaient devenus blancs.
III – LES GENTILSHOMMES DE LA REINE
Myrta, le jour de la passe d’armes, se dirigea
vers la lice de la rue Saint-Antoine. Au fond, elle avait l’espoir
d’y rencontrer Le Royal de Beaurevers. Qu’était-il
devenu ?
Myrta regardait
de tous ses yeux.
Or,
tout à coup, il se fit un silence dans la foule. Le roi, les
reines, les princes et les princesses, tous les grands premiers
rôles étaient passés déjà : on ne voyait plus défiler que le
menu fretin des hobereaux. Qu’était-ce ?…
Une rumeur traduisit la naïve stupeur de la
foule.
– Ho ! Qui sont ceux-là ? –
Sainte-Vierge, les beaux mignons que voilà ! – Leurs rapières
pèsent bien dix livres ! Et leurs moustaches ! – Ce sont
les envoyés de la reine de Saba ! – Hourra !
Ils étaient quatre qui se redressaient, fiers,
majestueux et enflés d’un exorbitant orgueil. Il est certain qu’ils
étaient superbes, tout neufs, trop neufs, empêtrés de plumes, de
rubans, de galons. Ils se dandinaient, frisaient leurs moustaches
énormes avec impertinence.
– Attention ! disait Trinquemaille.
Nous sommes à la cour !
– Il n’y a pas de tapis ! observa
Bouracan.
– Tiens-toi ! fit Corpodibale. Le
peuple nous admire !
– Ah ! milodious, dit Strapafar,
c’est pour nous le succès !
Tout à coup, le même Strapafar cria :
– Outre ! Parfandious !…
– Té ! Vé ! C’est Myrta !…
Et adieu donc, la pitchoune !
Les quatre avaient tressailli. Ils écartèrent
les hallebardiers, s’accoudèrent à la barrière de bois avec cette
pensée qu’ils allaient avoir des nouvelles de Beaurevers. Myrta
ouvrait des yeux effarés. Le peuple applaudissait ces gentilshommes
familiers. On écoutait. Myrta disait :
– Vous ! sous ces costumes !
dans la suite du roi !
– De la reine ! rectifia
Trinquemaille. Ma chère. On a fait son chemin, nous sommes
gentilshommes de la reine…
– Et nous habitons au Louvre ! fit
Corpodibale.
– Dans les appartements de la
reine ! dit Strapafar.
– Ya ! ponctua Bouracan,
majestueux.
En quelques mots, Myrta fut mise au courant de
la nouvelle fortune des quatre compères, et elle frémit :
– À quelle besogne sont-ils
destinés ? songea-t-elle.
Eux énuméraient les repas somptueux,
décrivaient leur logement et, enfin, la même question fut
posée :
–
Et lui ?…
Hélas ! Myrta ignorait. Et les quatre ne
savaient rien. Bref, on se sépara, non sans promesses de se
revoir.
Le passe d’armes eut lieu comme on a vu. Le
drame se déroula, selon les péripéties arrangées par ce mystérieux
metteur en scène qu’est le Destin – représenté par Nostradamus.
Myrta ne vit rien de la tragique péripétie.
Elle était trop loin et elle songeait à Beaurevers. Elle fût partie
si sa rencontre avec les estafiers n’eût surexcité sa curiosité.
Soudain, la grande clameur qui venait des lices. Puis, dans le
peuple, de sourds murmures :
– Le roi est blessé mortellement. Le roi
va mourir.
Et, par groupes hâtifs, la multitude s’écoula…
Bientôt les lices furent vides. La fête était terminée.
Et ce fut alors que Myrta aperçut au
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