Nostradamus
penchant, il vit que l’échelle était suspendue sur
un abîme. Au-dessous de lui, c’était le vide, insondable.
Alors, il voulut remonter… Il s’aperçut
qu’au-dessus de lui, il ne restait qu’une dizaine d’échelons ;
toute la partie supérieure de l’échelle avait disparu !…
Ainsi, Nostradamus ne pouvait plus ni monter, ni descendre.
Vaguement, il avait entendu parler par son
père des terribles épreuves qui attendaient l’insensé assez
audacieux pour aller chercher dans les entrailles de la grande
Pyramide la science qui donne le pouvoir, la richesse, la vie à un
degré extranaturel. Pour un qui réussit à connaître le grand œuvre,
mille périssent victimes de leur ambition forcenée.
– La mort ! rugit-il. La mort sans
toi, Mario !… Richesse ! Puissance ! Science !
je vous veux ! Vengeance, je te veux !…
Il remonta quelques échelons. De nouveau, tout
à coup, la joie rentra en lui, à flots précipités ; dans la
paroi à pic, une crevasse béait devant lui !
Il s’y engagea d’un pas rapide, et se vit au
pied d’un escalier en spirale qu’il monta. En haut, il se trouva
dans une salle magnifiquement décorée où un homme assis sur un
fauteuil de marbre semblait l’attendre…
– Qui es-tu ? rugit Nostradamus,
étincelant d’audace.
– Je suis, répondit l’homme, le gardien
des symboles sacrés. Il ne m’est point permis de te faire la
révélation qui armera ton cœur et ton esprit. Mais, puisque tu as
échappé à l’abîme, je dois t’ouvrir le chemin du Mystère…
L’homme alla ouvrir une grille que Nostradamus
franchit. Il longea une galerie ornée de douze sphinx de pierre.
Sur les murs étaient figurés les sept génies des planètes, les
quarante-huit génies de l’année, les 360 génies des jours. Au bout
de la galerie, sa lampe s’éteignit soudain. Puis, l’obscurité fut
remplacée par une sorte de crépuscule suffisant pour montrer la
route à suivre. Là, Nostradamus se vit en présence de quatre
statues : une femme, un taureau, un lion, un aigle [7] . Ces figures de marbre
parlaient !…
– Frère, dit la femme, quelle heure
est-il ?
Une voix répondit :
– Il est l’heure de science.
– Frère, dit le taureau, quelle heure
est-il ?
– Il est l’heure de travail, dit la
voix.
– Frère, dit le lion, quelle heure
est-il ?
– Il est l’heure de lutte, répondit la
voix.
– Frère, dit l’aigle, quelle heure
est-il ?
– Il est l’heure de volonté !
– Volonté ! gronda Nostradamus.
C’est la volonté qui donne la victoire ! En avant donc, plutôt
que de faillir à la volonté qui m’a guidé jusqu’à cette salle.
Il sentait que s’il faiblissait, la mort
l’attendait à chaque détour du chemin. Et tout raidi, il marchait
en avant, précédé par l’image de Marie qui se balançait devant lui,
aérienne, insaisissable… Une violente lueur, tout à coup, derrière
lui… Il se retourna, et vit que la galerie qu’il venait de quitter
était en feu. L’incendie courait vers lui en mugissant.
– Frère, cria une voix, quelle heure
est-il ? Une autre voix hurla :
– Il est l’heure de mort.
Et, chose terrible, un écho très strident
répéta la phrase entière. Il est l’heure de mort !… Puis un
deuxième, un troisième, quatrième, cinquième, sixième et enfin
septième écho, chacun d’eux de plus en plus faible, mais, toujours
aussi distinct. Nostradamus ne se mit pas à fuir ; il continua
de marcher, cependant que derrière lui, il entendait gronder la
fournaise. Vingt pas plus loin, il se trouva devant un étang d’eau
noire et fétide à la surface de laquelle couraient des êtres
innombrables.
Il recula d’horreur devant cette eau qui était
l’eau de la mort… dont la face se crevait de bulles empoisonnées…
Derrière lui, le feu accourait. Devant lui, l’eau morte !
Autour de lui, la voix d’outre-tombe qui criait : Il est
l’heure de mort !…
Nostradamus eut un mouvement de recul. Mais
presque, aussitôt, il entra dans l’eau. Bientôt, il en eut
jusqu’aux genoux, bientôt jusqu’à la poitrine, jusqu’à la
bouche…
Il s’élança d’un suprême effort. Le sol de
l’étang remontait !… l’eau fétide, l’eau mortelle
n’atteindrait pas ses lèvres !… En quelques minutes, il eut
gagné le bord opposé.
Sur le bord de l’étang, une grande table
d’airain se dressait. Un homme vêtu de blanc, debout, lui montra
Weitere Kostenlose Bücher