Nostradamus
dauphin réussit, car peu
après il mourut à Tournon. Quant à Henri… Ah ! tudiable !
voici que je m’affaiblis…
– Le nom de ma mère ! hurla
Beaurevers.
– Ta mère ?… Ah ! oui… ta mère,
le Temple… le cachot où tu es né… Oh ! je… Adieu… ta main…
Le mourant fut agité d’une effrayante
secousse. Un peu de sang moussa aux coins des lèvres.
– Je ne veux pas que tu meures !
rugit Le Royal.
– Souviens-toi de celui qui m’a tué,
bégaya Brabant.
– Il mourra de ma main ! grinça Le
Royal. Nostradamus ! C’est bien ce nom que tu as
dit ?
– Le voici ! cria le mourant dans
une déchirante clameur. Il se souleva, puis retomba sans un
souffle.
La chambre était pleine de lumière. Beaurevers
se retourna pour la troisième fois et, cette fois, se vit en
présence d’un homme qui entrait, un flambeau à la main.
– C’est toi Nostradamus ! vociféra
Beaurevers.
– C’est moi ! répondit le voyageur
avec un calme terrible.
– Tu vas crever ici ! J’enterrerai
ta carcasse avec celle de mon pauvre Brabant.
Beaurevers, d’un geste brusque, tira sa dague
et la leva.
– Tu ne me tueras pas, dit Nostradamus.
Car je sais ce que cet homme allait t’apprendre lorsque la mort a
scellé ses lèvres : je sais qui est ta mère !
Le bras de Beaurevers retomba. Un instant, le
voyageur le contempla.
– Tu sais cela ? gronda le jeune
homme.
– Tu es né dans un cachot du Temple,
continua Nostradamus. Je sais toute l’histoire de ta mère. La
fatalité t’a amené ce soir en cette auberge, où la rafale m’a
obligé moi-même à chercher un abri. Tu ne me tueras donc pas.
Beaurevers considérait cet homme au visage
livide dont les traits, à ce moment, étaient bouleversés par la
fureur. Un double éclair jaillit de ses yeux, tandis que sa voix
avait les grondements du tonnerre lointain.
– Qui êtes-vous ? bégaya le jeune
homme en reculant.
– Qui je suis ?… Celui qui connaît
le nom et l’histoire de ta mère. Je te dirai l’un et l’autre. Je
suis celui qui connaît le nom et l’histoire de ton père.
– Mon père ! haleta Beaurevers.
– Tu sauras son nom ! Veux-tu
toujours me tuer ?
– Non ! par l’enfer ! Car pour
connaître mon père et lui dire que je le hais, moi l’enfant
abandonné, moi qu’on a livré au bourreau, pour avoir la joie de
cracher ma haine au visage de celui qui est mon père, je
consentirais à vendre mon âme à Satan et mon corps à ce
bourreau.
Nostradamus écoutait avec un sourire
tragique.
– Bien, dit-il. Cette joie tu me la
devras. Et après tu pourras me tuer si tu veux. Car, lorsque je
t’aurai donné cette joie à toi, je n’aurai, moi, plus rien à faire
parmi les vivants.
– Je vous crois ! Je ferai ce que
vous voudrez. Et pourtant, je vous hais, vous aussi. C’est vous qui
avez tué mon vieux Brabant. C’est vous qui m’avez forcé de reculer.
Quand je n’aurai plus besoin de vous, je vous tuerai.
– Tu es tel que je n’eusse osé l’espérer.
Nous nous reverrons.
– Où cela ? demanda avidement Le
Royal.
– Je saurai bien te retrouver. Adieu. Tu
m’as demandé ce que je suis. Eh bien ! je suis le génie des
vengeances inscrites au livre du destin. Pour toi, je suis la
Fatalité. Un mot encore : Tu es pauvre… Veux-tu de
l’or ?
Nostradamus entraîna le jeune homme jusqu’à sa
chambre. Là, il ouvrit son porte-manteau. Ce porte-manteau était
bourré de pierres précieuses et de pièces d’or. Le truand pâlit.
Nostradamus sourit et dit :
– Prends là ce qu’il te faut. Prends
tout, si tu veux.
Le Royal de Beaurevers fit le tour de la pièce
en frappant du pied, revint se planter devant l’opulent
voyageur.
– J’ai mieux que votre or !
grinça-t-il. J’ai mieux que vos émeraudes, que vos
diamants !
– Et qu’as-tu donc ? fit Nostradamus
avec le même sourire.
Le Royal, d’un geste foudroyant, leva sa dague
et la laissa retomber à toute volée sur la table où elle s’enfonça
en vibrant.
– Voilà ! dit-il. Je vous laisse ce
poignard. Je vous le reprendrai pour vous tuer. Adieu. Pour me
revoir, venez à la Cour des Miracles et demandez-y le maître de la
Petite-Flambe, l’homme que le grand prévôt, messire de
Roncherolles, a juré de pendre de ses propres mains… c’est
moi !
Au nom de Roncherolles, le voyageur
tressaillit.
– C’est bien, dit-il d’un accent rude.
Ton nom, à toi ?
– Le Royal de
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