Nostradamus
que c’est à la
condition que Roncherolles s’empare de Nostradamus et le fasse
mourir.
– Redoutable mission ! songe le
grand-prévôt. Allons donc ! J’irai chez lui avec douze archers
et je lui mettrai la main au collet ! C’est facile. Si c’est
facile, pourquoi ne l’ai-je pas fait encore, depuis trois jours que
j’ai promis de l’arrêter ? Pourquoi Saint-André, menacé comme
moi, ne l’arrête-t-il pas ? Pourquoi Montgomery, bafoué par
lui devant toute la cour, ne l’arrête-t-il pas ? Pourquoi le
roi, ne donne-t-il pas ouvertement l’ordre de l’arrêter ? Ce
matin, au conseil M. de Loyola lui a demandé la tête de
cet homme. Et le roi n’a rien répondu !… Pourquoi ? D’où
cet homme tient-il ce pouvoir exorbitant de faire trembler les
cœurs, et d’y lire leurs passions secrètes ? – Je
l’arrêterai ! Et, tout pantelant, le jetterai au bourreau. –
Par le ciel, mes espions n’ont encore aucune nouvelle de ce
Beaurevers ! Demain, si je n’ai pas de nouvelles, je ferai
pendre un ou deux espions. Cela donnera de l’esprit aux autres.
Il eut un rire effrayant. Mais presque
aussitôt, il tressaille.
– Arrêter le jeune truand, c’est bien.
Mais l’autre ! Le sorcier ! Le Nostradamus ! je
tremble à la seule idée de me retrouver devant lui. J’ai
peur ! comme j’avais peur jadis… de Renaud !…
Et à ce nom, Roncherolles tremble. Qui se
trouverait, près de lui, à ce moment, l’entendrait
murmurer :
– Renaud nous a dit un jour à Saint-André
et à moi que les morts sortent du tombeau. Si cela
était !…
Roncherolles s’arrête au milieu de l’escalier.
Il l’inspecte de bas en haut. Et il tourne encore la tête, alors
qu’il se remet à monter, il surveille… quoi ?… Et il
gronde :
– Si les morts pouvaient sortir de la
tombe, depuis longtemps Renaud et Marie de Croixmart se fussent
levés de leur couche funèbre… Ah ! J’arrêterai Beaurevers…
J’arrêterai Nostradamus… Et je serai chancelier du royaume… Puis je
me ferai créer duc… Puis je me ferai donner une petite royauté…
Puis… nous verrons.
Son esprit s’élance. L’ambition y fulgure…
L’ambition !… La plaie secrète de cet
homme. Jusqu’où prétend-il monter ?… Il n’en sait rien. Mais
il souffre atrocement de tout honneur accordé à un autre que lui.
Mais il est la proie d’un rêve monstrueux, et ce rêve, c’est
d’arrêter le maréchal de Saint-André, d’arrêter le connétable de
Montmorency, d’arrêter le chancelier et les conseillers ;
d’être l’homme qui abat sa poigne sur tout et sur tous en
hurlant :
– Le maître, c’est moi !…
*
*
*
Roncherolles ouvrit une porte, traversa une
antichambre où veillaient deux femmes, poussa une autre porte, et
se trouva dans la chambre de Florise.
III – L’AUTRE PASSION DE
RONCHEROLLES
Vers 1541, le baron Gaétan de Roncherolles
avait épousé une demoiselle Louvray-de-Sainte-Luce, que
François I er , sur la recommandation de son fils
Henri, avait dotée de soixante-mille écus. Elle trembla devant son
mari pendant les quinze mois de son mariage, et elle mourut d’une
fièvre de lait huit jours après avoir donné naissance à
Florise.
Au moment où le grand-prévôt entra dans sa
chambre, la jeune fille travaillait à une dentelle. Le cartel
marqua 10 heures. Florise murmura avec un soupir :
– Si mon père me voit encore veiller si
tard, il grondera. Prions, et allons chercher le sommeil qui me
fuit… Madame la Vierge, je vous demande le repos de l’âme de ma
mère, de tous ceux de ma famille qui ne sont plus, et de tous les
trépassés. Accordez à mon père la satisfaction de ses désirs afin
qu’il soit moins triste. À moi je vous prie d’accorder la paix du
cœur. Est-ce un mal de refuser ce mariage détesté. Oh ! dites.
Est-ce un mal de songer à ce jeune homme au regard si doux et si
fier ? Hélas ! ne m’a-t-il pas sauvée ? On dit qu’il
est rebelle et impie. Mais moi je suis bien sûre qu’il n’est point
tel que les apparences le disent. Vous savez, bonne dame, que je
m’efforce de ne plus penser à lui. Est-ce donc ma faute s’il est
toujours dans mon cœur ? Madame, protégez-le !…
– Florise !…
La jeune fille fut secouée d’un violent
tressaut. Son père était devant elle, la fixant d’un regard aigu.
Vaillante, elle se remit promptement, se leva et dit :
– Asseyez-vous, monsieur. Vous êtes
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