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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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signe, si ce n'est peut-être sous les pierres renversées
     de Loc Maria Ker, encore si peu distincts, qu'on est tenté de les prendre pour
     des accidents naturels. Si vous interrogez les gens du pays, ils répondront
     brièvement que ce sont les maisons des Korrigans, des Courils, petits hommes
     lascifs qui, le soir, barrent le chemin, et vous forcent de danser avec eux
     jusqu'à ce que vous en mouriez de fatigue. Ailleurs, ce sont les fées qui,
     descendant des montagnes en filant, ont apporté ces rocs dans leur tablier. Ces
     pierres éparses sont toutes une noce pétrifiée. Une pierre isolée, vers
     Morlaix, témoigne du malheur d'un paysan qui, pour avoir blasphémé, a été avalé
     par la lune.
     
    On ne sent bien l'histoire de Bretagne que sur le théâtre même des
     guerres bretonnes, aux roches d'Auray, aux plages de Quiberon, de
     Saint-Michel-en-Grève, où le duc fratricide rencontra le moine noir.
    Je n'oublierai jamais le jour où je partis de grand matin d'Auray, la
     ville sainte des chouans, pour visiter, à quelques lieues de là, les grands
     monuments druidiques de Loc Maria Ker et de Carnac. Le premier de ces villages,
     assis à l'embouchure de la sale et fétide rivière d'Auray, avec ses îles du
     Morbihan, plus nombreuses qu'il n'y a de jours dans l'an.
    Il tombait du brouillard, comme il y en a sur ces côtes la moitié de
     l'année. Nous avancions en dansant, péniblement, sur les rocs, les branches des
     arbres nous frappant le visage, nous lançant l'eau, déchirant les chevaux et le
     postillon. De mauvais ponts sur des marais, puis le bas et sombre manoir avec
     la longue avenue de chênes qui s'est religieusement conservée en
     Bretagne ; des bois fourrés et bas, où les vieux arbres même ne s'élèvent
     jamais bien haut. Rien du grandiose des forêts et des châteaux normands. Les
     manoirs bretons semblent plus compter pour leur défense sur la difficulté des
     approches, sur les forêts broussailleuses, les marais qui les cachent que sur
     une position élevée. De temps en temps un paysan au nez pointu qui passe sans
     regarder ; mais il vous a bien vu avec son œil oblique d'oiseau de nuit.
     Cette figure explique le fameux cri de guerre, et le nom de chouans , que
     leur donnaient les bleus . Point de maisons sur les chemins ; ils
     reviennent chaque soir au village. Partout de grandes landes, tristement parées
     de bruyères roses et de diverses plantes jaunes 6  ; ailleurs,
     ce sont des campagnes blanches de Sarrazin. Cette neige d'été, ces couleurs
     sans éclat et comme flétries d'avance, affligent l'œil plus qu'elles ne le
     récréent, comme cette couronne de paille et de fleurs dont se pare la folle
     d' Hamlet . En avançant vers Carnac, c'est encore pis. Véritables plaines
     de roc où quelques moutons noirs paissent le caillou. Au milieu de tant de
     pierres, dont plusieurs sont dressées d'elles-mêmes, trapues comme les hommes
     du pays, les alignements de Carnac n'inspirent aucun étonnement. Montons plutôt
     sur la plate-forme du clocher de l'église. De là, le regard découvre à peu de
     distance, un monument de notre histoire bien autrement saisissant :
     Quiberon, de sinistre mémoire ! Entre Auray et Vannes, les yeux se
     heurtent à un objet funèbre ; sur une vaste prairie, une seule tombe avec
     cette brève inscription : Hic ceciderunt . Ce sont les prisonniers
     vendéens pris à Quiberon que les soldats ne purent sauver, qu'il fallut
     fusiller là.
     
    Le Morbihan sombre d'aspect l'est aussi de souvenirs ; pays de
     vieilles haines, de pèlerinages et de guerre civile ; terre de caillou et
     race de granit. Là, tout dure ; le temps y passe plus lentement. Les
     prêtres y sont très forts. C'est pourtant une grave erreur de croire que ces
     populations de l'Ouest, bretonnes et vendéennes, soient profondément
     religieuses : dans plusieurs cantons de l'Ouest, le saint qui n'exauce pas
     les prières risque d'être vigoureusement fouetté. En Bretagne, comme en
     Irlande, le catholicisme est cher aux hommes comme symbole de la nationalité.
     La religion y a sur tout une influence politique. Un prêtre irlandais qui se
     fait ami des Anglais est bientôt chassé du pays. Nulle église, au moyen âge, ne
     resta plus longtemps indépendante de Rome que celle d'Irlande et de Bretagne.
     La dernière essaya longtemps de se soustraire à la primatie de Tours, et lui
     opposa celle de Dôle.
    Les familles étaient

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