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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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et Normandie,
     d'autre part de Poitou et Guyenne, flotterait dans son immense développement,
     si elle n'était serrée au milieu par ce dur nœud de la
     Bretagne.
     
    On l'a dit, Paris, Rouen, le Havre, sont une même ville dont la
     Seine est la grand rue . Eloignez-vous au midi de cette rue magnifique, où
     les châteaux touchent aux châteaux, les villages - aux villages ; passez
     de la Seine-Inférieure au Calvados, et du Calvados à la Manche, quelles que
     soient la richesse et la fertilité de la contrée, les villes diminuent de
     nombre, les cultures aussi ; les pâturages augmentent. Le pays est
     sérieux ; il va devenir triste et sauvage. Aux châteaux altiers de la
     Normandie vont succéder les bas manoirs bretons. Le costume semble suivre le
     changement de l'architecture. Le bonnet triomphal des femmes de Caux, qui
     annonce si dignement les filles des conquérants de l'Angleterre, s'évase vers
     Caen, s'aplatit dès Villedieu : à Saint-Malo, il se divise, et figure au
     vent, tantôt les ailes d'un moulin, tantôt les voiles d'un vaisseau. D'autre
     part, les habits de peau commencent à Laval. Les forêts qui vont
     s'épaississant, la solitude de la Trappe, où les moines mènent en commun la vie
     sauvage, les noms expressifs des villes Fougères et Rennes (Rennes veut dire
     aussi fougère), les eaux grises de la Mayenne et de la Vilaine, tout annonce la
     rude contrée.
    C'est par là, toutefois, que nous voulons commencer l'étude de la
     France. L'aînée de la monarchie, la province celtique, mérite le premier
     regard. De là nous descendrons aux vieux rivaux des Celtes, aux Basques ou
     Ibères, non moins obstinés dans leurs montagnes que le Celte dans ses landes et
     ses marais. Nous pourrons passer ensuite aux pays mêlés par la conquête romaine
     et germanique. Nous aurons étudié la géographie dans l'ordre chronologique, et
     voyagé à la fois dans l'espace et dans le temps.
    1 Ceci est l'histoire éternelle ; la guerre de
     1870, qui a été un accident, n'infirme pas cette
     assertion.

I
    LA BRETAGNE 1
    La pauvre et dure Bretagne, l'élément résistant de la France, étend
     ses champs de quartz et de schiste, depuis les ardoisières de Châteaulin près
     Brest, jusqu'aux ardoisières d'Angers. C'est là son étendue géologique.
     Toutefois, d'Angers à Rennes, c'est un pays disputé et flottant, un border comme celui d'Angleterre et d'Écosse, qui a échappé de bonne
     heure à la Bretagne. La langue bretonne ne commence pas même à Rennes, mais
     vers Elven, Pontivy, Loudéac et Châtelaudren. De là, jusqu'à la pointe du
     Finistère, c'est la vraie Bretagne, la Bretagne bretonnante , race rude
     de grande noblesse, d'une finesse de caillou. Les paysans qu'on rencontre,
     sérieux, les cheveux noirs, la figure sèche vous regardent obliquement. Les
     femmes frappées de méridionalité, quelquefois jolies. Mais ce n'est pas la
     longue figure des Normandes. Ici, le visage est rond. Imaginatifs et
     spirituels, ces descendants des opiniâtres Kymris, n'en aiment pas moins
     l'impossible, les causes perdues. Si le Breton perd tant de choses, sa langue,
     son costume, une lui reste, le caractère. Ce pays a été longtemps étranger au
     nôtre, justement parce qu'il est resté trop fidèle à notre état primitif ;
     peu français, tant il est gaulois, il nous aurait échappé plus d'une fois si
     nous ne l'avions tenu serré, comme dans des pinces et des tenailles, entre
     quatre villes françaises d'un génie rude et fort : Nantes et Saint-Malo,
     Rennes et Brest.
    Et pourtant, cette pauvre vieille province nous a sauvés plus d'une
     fois ; souvent, lorsque la patrie était aux abois et qu'elle désespérait
     presque, il s'est trouvé des poitrines et des têtes bretonnes plus dures que le
     fer de l'étranger. Quand les hommes du Nord couraient impunément nos côtes et
     nos fleuves, la résistance commença par le breton Noménoé ; il se mit à la
     tète du peuple, battit les Northmans, défendit contre Tours l'indépendance de
     l'Église bretonne.
    Les Anglais furent repoussés au quatorzième siècle par
     Duguesclin ; au dix-septième, poursuivis sur toutes les mers par
     Duguay-Trouin.
    Les guerres de la liberté religieuse, et celles de la liberté
     politique, n'ont pas de gloires plus innocentes et plus pures que Lanoue et
     Latour d'Auvergne, le premier grenadier de la République. C'est un Nantais, si
     l'on en croit la tradition,

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