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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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une noble chaussée, faite avec toute la solidité et la magnificence qui
     distinguent les grands chemins de France ; au lieu de ravines, il y a des
     ponts bien bâtis ; ce n'est plus un pays sauvage, désert et pauvre » 4 .
    - Nulle part autant qu'aux Pyrénées on ne se sent en rapport avec
     l'âme de la terre. Les grands travaux de la montagne qui se fait, s'élabore
     elle-même, — ces choses ailleurs cachées, — sont ici manifestes. C'est sous la
     ruine même, suspendue, menaçante qu'on vient chercher la vie. L'homme est admis
     par grâce en ces grands laboratoires des forces de la nature. Quiconque y vient
     non prévenu est saisi.
    Il n'est pas nécessaire de monter jusqu'à Cauterets, Barèges pour
     avoir la forte impression. Engagez-vous seulement dans la vallée profonde qui
     mène de Pau aux Eaux-Chaudes . La voiture violente et rude, les petits
     chevaux continuellement battus, surmenés qui vont bride abattue dans une route
     étroite, tortueuse, au risque d'écraser les bœufs et les piétons, le bruit
     strident des sonnettes, les claquements du fouet du postillon qui font écho
     dans les cavernes, cette descente rapide au fond de l'immense entonnoir donnent
     le vertige. La nature et l'homme ont l'air de se combattre. J'ai suivi moi-même
     ce chemin, un soir, sous la menace de l'orage. Les pâles éclairs dont
     s'illuminaient les roches, déjà fendues par la foudre, faisaient paraître
     après, plus mélancolique le déclin du jour. Quand notre voiture allait moins
     vite, les paysans que nous croisions, nous disaient bonsoir , avec un
     accent singulièrement doux et triste. Ce salut dans cette âpre solitude, à
     l'approche de l'orage, avait quelque chose d'aimable et toutefois de
     solennel ; la paix fraternelle de l'homme au milieu de la guerre des
     éléments.
    Le gave de Pau qui suit la route, descend à grand bruit de la
     montagne. Souvent il devient très profond, parait paisible, fait le mort, comme
     pour rassurer. Mais un obstacle survient, une roche percée fait gouffre, il se
     réveille, il y entre, il en ressort pour se précipiter encore avec une
     insatiable fureur d'aller, de s'abîmer en hauteur et profondeur. Le mouvement
     est si violent que le flot en est crispé ; c'est un énorme serpent
     bleuâtre qui d'angoisse, tord ses anneaux. Devenu invisible, il vous avertit
     qu'il est là ; du fond du gouffre s'élève un grand bruit, une clameur
     confuse. Détail charmant, une jolie cascade descend naïvement et vient sans
     embarras, par un chemin effrayant à la rencontre du torrent farouche qui n'en
     semble ni augmenté, ni adouci.
    Il devait y avoir foire le lendemain à Oloron. L'Espagnol leste et
     sérieux suivait son mulet chargé de peaux ; le Béarnais aux cheveux plats,
     à cheval, poussait devant lui ses petits bœufs. D'autres montagnards à pied,
     très bien faits, et le pas allongé, les vieux comme les jeunes, descendaient ou
     remontaient lestement les pentes abruptes. Chaque montagnard fait le voyage
     pour vendre sa bête. Il ne se fie à personne. Vingt bergers à cheval, pour
     vingt bœufs, tous en costumes pittoresques, vestes rouges, brunes, noires,
     culottes courtes.
    Mais celui qui veut voir toutes les races et tous les costumes des
     Pyrénées, c'est aux foires de Tarbes qu'il doit aller. Il y vient près de dix
     mille âmes : on s'y rend de plus de vingt lieues. Là, au milieu
     d'innombrables attelages de bœufs qui donnent à ce vaste marché l'effet d'un
     camp cimbrique, vous trouvez souvent à la fois le bonnet blanc du Bigorre, le
     brun de Foix, le rouge du Roussillon, quelquefois même le grand chapeau plat
     d'Aragon, le chapeau rond de Navarre, le bonnet pointu de Biscaye 5 . Le voiturier basque y viendra sur son âne,
     avec sa longue voiture à trois chevaux ; il porte le berret du
     Béarn ; mais vous distinguerez bien vite le Béarnais et le Basque ;
     le joli petit homme sémillant de la plaine, qui a la langue si prompte, la main
     aussi, et le fils de la montagne, qui la mesure rapidement de ses grandes
     jambes, agriculteur habile et fier de sa nation, dont il porte le nom. Si vous
     voulez trouver quelque analogue au Basque, c'est chez les Celtes de Bretagne,
     d'Écosse et d'Irlande qu'il faut le chercher. Le Basque, aîné des races de
     l'Occident, immuable au coin des Pyrénées, a vu toutes les nations passer
     devant lui : Carthaginois, Celtes, Romains, Goths et Sarrasins. Nos jeunes
    

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