Notre France, sa géographie, son histoire
maîtres. Ne leur parlez pas d'être
ouvriers ou marchand ; ministres ou rois, à la bonne heure. En hommes
honnêtes et modérés, un petit royaume leur suffirait. Tout le monde ne peut
pas, comme le meunier du moulin de Barbaste , gagner Paris pour une
messe.
1 Pau, avec ses ponts jetés sur les rues, rappelle
Edimbourg ; on y trouve les Pyrénées en plus, la mer en
moins.
2 Ce besoin d'indépendance ne s'est pas éteint. Je
l'ai retrouvé aussi vif quand j'ai visité, en 1835, les archives de Pau qu'on
était en train d'extraire de la Tour Gaston-Phœbus. — Cette tour, divisée en
trois étages, a été longtemps une prison où les condamnés attendaient leur
départ pour le bagne. Une femme d'Orthez, qui avait empoisonné son mari, y
resta cinq mois enchaînée contre la muraille avec une chaîne de fer. Elle
vivait dans une obscurité complète, couchait dans ses excréments qui filtraient
par le plancher et mouillaient, salissaient les archives placées au-dessous, au
rez-de-chaussée. Elle partie, d'autres condamnés vinrent prendre sa place, et
l'œuvre de destruction continua. On commença à s'inquiéter l'année même où je
passai à Pau. Pour extraire tous ces papiers du fumier où ils gisaient, il
fallait les remuer à la fourche. Beaucoup de liasses étaient devenues
illisibles. Les sections de Navarre étaient celles qui avaient le plus
souffert. Le préfet eût voulu adjoindre un élève de l'École des Chartes à
l'homme patient qui faisait sans dégoût cette rebutante besogne. M. P...,
voyant déjà ses archives s'acheminer sur Paris, prit peur, s'émut, refusa.
« Qu'en ceci du moins, écrivit-il, le Béarn soit encore indépendant de la
France. »
LE PAYS D'ARMAGNAC
Nous n'en avons pas encore fini avec les Gascons. Cette grande
province est presque un royaume pour l'étendue.
Tout près d'Auch, capitale de la Gascogne, vous trouverez des
Gascons d'une autre race. Si vous descendez du Nord, vous rencontrez par de là
Bordeaux et Toulouse, au coin de l'Aquitaine, en face du Rouergue, un petit
pays dont le nom a résumé toutes les haines du Midi et du Nord. Ce nom tragique
est celui d'Armagnac. Rude pays, vineux il est vrai, mais sous les grêles de la
montagne, souvent fertile, souvent frappé. Ces gens d'Armagnac, de Fézenzac,
moins pauvres que ceux des Landes, furent pourtant plus inquiets. Persécuteurs
assidus des églises, surtout pour les piller, excommuniés de générations en
générations, ce qui ne les troublait guère, ils vécurent la plupart en vrais
fils du Diable.
Saint Louis leur donna plus d'une leçon sévère ; ils finirent
par comprendre qu'ils gagneraient plus à servir les rois de France et devinrent
les capitaines du Midi au service de la royauté. Battant, battus, toujours en
armes, poussant la guerre avec une violence inconnue jusque-là, coupant le
pied, le poing à ceux qui refusaient de les suivre. Nos rois les comblèrent,
les firent généraux, conétables et presque rois. L'un d'eux, tint un moment
Paris et Charles VI et le Dauphin 3 . Sa police
était rapide, à l'italienne. Défense de se baigner dans la Seine, comme à
Venise de nager dans le canal d'Orfano, pour qu'on n'allât pas compter les
noyés. Celui-ci fut massacré par le peuple. Louis XI se chargea, plus tard, des
autres exécutions. Il atteignit dans son repaire même de Lectoure, le bâtard
d'Armagnac occupé à mettre l'Anglais dans les places qu'il lui avait confiées
il l'y fit poignarder pour qu'il ne trahit plus.
3 Bernard VII.
XI
LES PYRÉNÉES
Ces filles du feu n'ont pas la jeunesse et les abondantes eaux des
Alpes. Ce n'est pas non plus comme les Alpes un système compliqué de pics et de
vallées, c'est tout simplement un mur redoutable, austère, ininterrompu, une
barre entre l'Europe et l'Afrique. Divorce absolu, tranché, que nulle gradation
ne prépare. Si, parti de Toulouse, par-dessus les Pyrénées leur rapide versant
du Midi, vous tombez à Saragosse, vous avez franchi un monde.
Ce mur immense s'abaisse aux deux bouts. Tout autre passage est
inaccessible aux voitures, et fermé au mulet, à l'homme même, pendant six ou
huit mois de l'année. Deux peuples à part, qui ne sont réellement ni Espagnols
ni Français, les Basques à l'ouest, à l'est les Catalans et Roussillonnais,
sont les portiers des deux mondes. Ils ouvrent et ferment ; portiers
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