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Notre France, sa géographie, son histoire

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Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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antiquités lui font pitié. Un Montmorency disait à l'un d'eux :
     « Savez-vous que nous datons de mille ans ? — Et nous, dit le Basque,
     nous ne datons plus. »
    Serrés longtemps dans leurs roches par leurs ennemis, ces géants de la
     montagne descendirent peu à peu parmi les petits hommes du Béarn, dans leurs
     grosses capes rouges et chaussés de l'arbaca de crin, hommes, femmes, enfants,
     troupeaux, s'avançant vers le Nord. Les Landes sont un vaste chemin. Ils
     venaient réclamer leur part des belles provinces sur tant d'usurpateurs qui
     s'étaient succédé. Au VII e siècle, dans la dissolution de l'empire
     neustrien, cette race antique a renouvelé l'Aquitaine et l'a un moment
     possédée.
    Elle y a laissé pour souvenir le nom de Gascogne. Refoulée en Espagne
     au IX e siècle, elle y fonda le royaume de Navarre, et en deux cents
     ans, elle occupa tous les trônes chrétiens d'Espagne (Galice, Asturies et Léon,
     Aragon, Castille). Mais la croisade espagnole poussant vers le Midi, les
     Navarrois, isolés du théâtre de la gloire européenne, perdirent tout peu à
     peu. Leur dernier roi, Sanche l' Enfermé , qui mourut d'un cancer, est le
     vrai symbole des destinées de son peuple. Enfermée en effet dans ses montagnes
     par des peuples puissants, rongée pour ainsi dire par les progrès de l'Espagne
     et de la France, la Navarre implora même les musulmans d'Afrique, et finit par
     se donner aux Français. Sanche anéantit son royaume en le léguant à son gendre
     Thibault, comte de Champagne ; c'est Roland brisant sa durandal pour la
     soustraire à l'ennemi. La maison de Barcelone, tige des rois d'Aragon et des
     comtes de Foix, saisit la Navarre à son tour, la donna un instant aux Albret,
     aux Bourbons, qui perdirent la Navarre pour gagner la France. Mais par un
     petit-fils de Louis XIV, descendu de Henri IV, ils reprirent non seulement la
     Navarre, mais l'Espagne entière. Ainsi se vérifia l'inscription mystérieuse du
     château de Coaraze, où fut élevé Henri IV : Lo que a de ser no puede
     faltar  : « Ce qui doit être ne peut manquer. » Nos rois se
     sont intitulés rois de France et de Navarre. C'est une belle expression des
     origines primitives de la population française comme de la dynastie.
    Les vieilles races, les races pures, les Celtes et les Basques, la
     Bretagne et la Navarre, devaient céder aux races mixtes, la frontière au
     centre, la nature à la civilisation. Les Pyrénées présentent partout cette
     image du dépérissement de l'ancien monde. L'antiquité y a disparu ; le
     moyen âge s'y meurt. Ces châteaux croulants, ces tours des Maures , ces
     ossements des Templiers qu'on garde à Gavarnie, y figurent, d'une manière toute
     significative, le monde qui s'en va. La montagne elle-même, semble aujourd'hui
     attaquée dans son existence. Les cimes décharnées qui la couronnent témoignent
     de sa caducité 6 . Ce n'est pas en vain
     qu'elle est frappée de tant d'orages ; et d'en bas l'homme y aide. Cette
     profonde ceinture de forêts qui couvraient la nudité de la vieille mère, il
     l'arrache chaque jour. Les terres végétales, que le gramen retenait sur les
     pentes, coulent en bas avec les eaux. Le rocher reste nu ; gercé, exfolié
     par le chaud, par le froid, miné par la fonte des neiges, il est emporté par
     les avalanches. Au lieu d'un riche pâturage, il reste un sol aride et
     ruiné : le laboureur, qui a chassé le berger, n'y gagne rien lui-même. Les
     eaux, qui filtraient doucement dans la vallée à travers le gazon et les forêts,
     y tombent maintenant en torrents, et vont couvrir ses champs des ruines qu'il a
     faites. Quantité de hameaux ont quitté les hautes vallées faute de bois de
     chauffage, et reculé vers la France, fuyant leurs propres dévastations.
    Dès 1673, on s'alarma. Il fut ordonné à chaque habitant de planter
     tous les ans un arbre dans les forêts du domaine, deux dans les terrains
     communaux. Des forestiers furent établis. En 1669, en 1756, et plus tard, de
     nouveaux règlements attestèrent l'effroi qu'inspirait le progrès du mal. Mais à
     la Révolution, toute barrière tomba ; la population pauvre commença
     d'ensemble cette œuvre de destruction. Ils escaladèrent, le feu et la bêche en
     main, jusqu'au nid des aigles, cultivèrent l'abîme, pendus à une corde.
    Les arbres furent sacrifiés aux moindres usages ; on abattait
     deux pins pour faire une paire de sabots 7

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