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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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des plaines insalubres : Albi, Lodève, Agde la noire , à côté de son cratère, et bâtie elle-même de ses laves. Toute
     la plage est volcanique, rongée de salines de canaux insalubres, de marais
     fiévreux. Montpellier, héritière de feue Maguelone dont les ruines sont à côté,
     Montpellier, qui voit à son choix les Pyrénées, les Cévennes, les Alpes même, a
     près d'elle et sous elle une terre équivoque, couverte de fleurs, tout
     aromatique, et comme profondément médicamentée ; ville de médecine, de
     parfums et de vert-de-gris 2 .
    C'est une bien vieille terre que ce Languedoc. Vous y trouverez
     partout les ruines sous les ruines ; les Camisards de Louis XIV sur les
     Albigeois, de Simon de Montfort, les Sarrasins sur les Goths, sous ceux-ci les
     Romains, les Ibères. Les murs de Narbonne, qui fut longtemps la capitale des
     Sarrasins, sont bâtis de tombeaux, de statues, d'inscriptions. L'amphithéâtre
     de Nîmes est percé d'embrasures gothiques, couronné de créneaux sarrasins,
     noirci par les flammes de Charles-Martel. Mais ce sont encore les plus vieux
     qui ont le plus laissé ; les Romains ont enfoncé la plus profonde
     trace ; leur maison carrée, leur triple pont du Gard, leur énorme canal de
     Narbonne qui recevait les plus grands vaisseaux.
    Ces monuments romains au milieu d'un paysage de cailloux, plutôt
     mesquin, y paraissent toujours en étrangers sous un aspect souverain et
     grandiose. Les vrais monuments du pays, qui en donneraient le génie sombre,
     seraient les forts du moyen âge ; mais on a détruit soigneusement, pendant
     les guerres de religion, ces asiles du protestantisme.
    Le droit romain est bien une autre ruine, et tout autrement imposante
     que le pont du Gard. C'est à lui, aux vieilles franchises qui l'accompagnaient,
     que le Languedoc, république sous un comte, a dû de faire exception à la maxime
     féodale : Nulle terre sans seigneur. Ici la présomption était toujours
     pour la liberté. La féodalité ne put s'y introduire qu'à la faveur de la
     croisade, comme auxiliaire de l'Église, comme familière de
     l'Inquisition. Simon de Montfort, après sa conquête sur les Albigeois, y
     établit quatre cent trente-quatre fiefs. Mais cette colonie féodale, gouvernée
     par la Coutume de Paris, n'a fait que préparer l'esprit républicain de la
     province à la centralisation monarchique. Les nouveaux possesseurs ne savaient
     que faire de ces dépouilles hérétiques et doutaient de les conserver s'ils ne
     s'assuraient un puissant protecteur, le roi de France. Tout le Midi, sauf
     quelques villes libres, — après la mort de l'usurpateur, — se jeta dans les
     bras de Philippe-Auguste.
    Pays de liberté politique et de servitude religieuse, plus fanatique
     que dévot, le Languedoc a toujours nourri un vigoureux esprit d'opposition. Les
     catholiques même y ont eu leur protestantisme sous la forme janséniste.
     Aujourd'hui encore, à Alet, on gratte le tombeau de Pavillon, pour en boire la
     cendre qui guérit la fièvre. Les Pyrénées ont toujours fourni des hérétiques,
     depuis Vigilance et Félix d'Urgel. Le plus obstiné des sceptiques, celui qui a
     cru le plus au doute, Bayle, est de Carlat. De Limoux, les Chénier ; de
     Carcassonne, Fabre d'Eglantine. Au moins l'on ne refusera pas à cette
     population la vivacité et l'énergie. Énergie meurtrière, violence tragique. Un
     vent desséchant passe sur ces plaines et tend les nerfs à l'excès. A la moindre
     occasion, il y a émeute sans que l'on sache pourquoi. Cette terre passionnée
     qui porte la trace de tant de révolutions a été longtemps le vrai mélange des
     peuples, la vraie Babel. Le Languedoc, placé au coude du Midi, de la grande
     route d'Espagne, de France et d'Italie, présenta au moyen âge une singulière
     fusion de sang ibérien, gothique et romain, sarrasin et gothique. Il n'y avait
     guère de nobles de Languedoc qui, en remontant un peu, ne rencontrassent dans
     leur généalogie, quelque grand'mère sarrasine ou juive.
    Ces éléments divers formaient de dures oppositions. Par ce coude qui
     semble l'articulation, le nœud de la contrée, il a été souvent froissé dans la
     lutte des croyances et des races. Là devait avoir lieu, légitimement, le grand
     combat. Quelles croyances ? On pourrait dire toutes. Ceux même qui les
     combattirent ne surent rien distinguer et ne trouvèrent d'autres moyens de
     désigner ces fils de la confusion

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