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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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hommes de ce rivage, amants de l'impossible, chercheurs
     acharnés du péril aux abîmes des monts, aux sombres mers des pôles 1 . Ils pouvaient courir sans en trouver de pire
     que la leur, la côte des fous . Les monts secondaires qui s'y dressent,
     tel fantasquement découpé, tel demi-ruiné, pendant et menaçant, ont des airs
     chimériques. Au pied, les grandes landes peuplées la nuit de visions, étaient
     au moyen âge, les temples du Sabbat.
    1 Les Basques. Nous y reviendrons au chapitre des
     Pyrénées.

X
    LE BÉARN - LE PAYS D'ARMAGNAC
    LE BÉARN
     
    Ce n'est ni de Saint-Jean-de-Luz, ni de Bayonne, assise au repos sur
     sa baie tranquille, que nous aurons la première vision des Pyrénées. On en est
     trop près. On les touche presque, mais on ne les voit pas.
    De Pau, qui s'en éloigne, nous découvrirons au contraire à l'horizon
     leur vaste panorama 1 . Grandiose dans la lumière du jour, le matin, aux
     premières lueurs de l'aube dont s'éclairent les glaciers, il devient
     fantastique. Au premier plan, en contraste avec les monts sublimes, les vignes
     du Jurançon, vin fin dont Henri IV connut le goût avant celui du lait de sa
     mère.
    Si vous arrivez à Pau un dimanche, vous verrez toute la population
     sur les places. L'Espagnol s'y mêle, pieds nus ou chaussé de spartilles.
     gravement drapé dans son manteau brun qui ne le quitte jamais. L'Espagnole,
     vêtue de rouge et de noir, suit, là-bas, la procession dans une dévotion à la
     sainte Thérèse. — Vous reconnaîtrez bien vite le Béarnais à sa petite taille, à
     sa politesse excessive. Tous vous saluent en Béarn. C'est toujours Henri IV
     pour la parole vive, tous les dehors de l'amitié sans réalité (et pourtant sans
     fausseté), nulle grossièreté gasconne.
    La femme est ici moins fine qu'à Bayonne le pas est un peu plus
     lourd. Mais ce n'est pas à Pau qu'il faut chercher la vraie béarnaise vous la
     rencontrerez plutôt à l'entrée de la vallée d'Osseau, suivant l'étroit sentier
     sur son cheval assise à la murillo avec le morceau de drap plié sur la
     tête pour coiffure, comme si les hommes avaient compris l'importance de la loi
     salique : mulier discapilata . Cette figure sévère, affinée par la
     maigreur, ce vieux costume noir, quasi monastique, vous reculent de deux
     siècles. N'est-ce pas Jeanne d'Albret chevauchant à travers son pauvre royaume
     de Navarre ?
    La dynastie des vicomtes du Béarn a commencé au X e siècle ; ils se reconnaissaient vassaux immédiats des comtes de Gascogne,
     gascons comme eux, mais avec plus de finesse. Le possesseur du Béarn au
     XV e siècle est Jean d'Albret ; son fils, en épousant Marguerite
     d'Alençon, grand'mère d'Henri IV, prépare la réunion de la Navarre à la
     couronne. Mais les villes, en se donnant au roi entendaient bien continuer à
     vivre de leur vie indépendante. Le Béarnais, en vrai gascon, trouva, pour les
     rassurer, le mot heureux que l'on sait et qui sauva tout : « Je ne
     donne pas le Béarn à la France, mais la France au Béarn » 2 .
    Il n'y aurait à redire, de ces Gascons-béarnais, que leur petite
     taille. Mais ces petits hommes noirs et brûlés, à méchantes mines, ont été les
     meilleurs marcheurs de l'Europe, pleins de feu, d'esprit, de ressources, d'une
     main leste et vive qui tirait dix coups pour un seul, comme on le vit au
     XV e siècle quand la France les mena en Italie.
    Il fallait bien qu'ils fussent gens de ressources ayant à courir le
     monde. Le droit d'ainesse régnait en Gascogne. L'aîné restait fièrement au
     Castel, sur sa roche, sans vassal que lui-même et se servant par simplicité.
     Les cadets s'en allaient gaiement devant eux, tant que la terre s'étendait,
     bons piétons, comme on sait, allant à pied par goût tant qu'ils ne trouvaient
     pas un cheval, riches d'une épée de famille, d'un nom sonore et d'une cape
     percée ; du reste, nobles comme le roi, c'est-à-dire comme lui sans
     fiefs.
    Ce portrait du Gascon du Midi pour être vieux, n'est pas moins
     ressemblant. Il en reste quelque chose. Alors, aujourd'hui et toujours, ces
     gens ont exploité de préférence un fond excellent, la simplicité et la
     pesanteur des hommes du Nord. Aussi, émigraient-ils volontiers. Ce n'était pas
     pour bâtir comme les Limousins, ni pour vendre comme les gens d'Auvergne. Les
     Gascons ne vendaient qu'eux-mêmes comme soldats, comme domestiques des
     princes ; ils servaient pour devenir

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