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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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Haute-Loire, aux Pradelles, où voulut pourtant reposer
     Duguesclin.

LE VIVARAIS
     
    Nous entrons dans la région la plus tourmentée des Cévennes. Ici, la
     montagne sur ses crêtes chauves et dans ses flancs déchirés, ne témoigne pas
     seulement de la guerre éternelle que lui fait la nature, elle laisse voir aussi
     à nu et toute vive encore, la trace des commotions volcaniques qui l'ont à la
     fois enfantée, bouleversée, ruinée.
    Le pays d'Ardèche, que l'on rencontre en montant par Aubenas, offre
     le roc d'abord, rien que le roc, les schistes tranchants. Rien de plus aride,
     de plus âpre. Mais déjà vous sentez la lutte de l'homme, son travail opiniâtre,
     prodigieux contre la nature. Entre le roc et le roc, le schiste et le schiste,
     une toute petite vigne s'accroche, deux ou trois brins de seigle dressent leur
     maigre épi. A côté, le puissant châtaignier, sobre et courageux végétal,
     enserrant le caillou même de ses racines, se fait sans secours, sa terre à la
     longue, par le résidu de son feuillage.
    Cette portion de l'Ardèche que la nature a faite affreuse, l'homme
     l'a empreinte d'un charme moral. Partout, à côté de lapiaz hideux, vous trouvez
     la grâce et la consolation d'un petit coin de verdure.
    Ce n'est pas seulement le châtaignier qui semble se passer de la
     terre, vivre d'air et de caillou ; le mûrier vertueux s'établit partout
     près de lui, et se nourrit aussi d'indigence, de poussière basaltique.
    La soie est la manne du pauvre pays ; avec la soie, il a de
     l'argent, quelques moutons dont l'engrais mêlé aux débris de la roche, créera
     la terre à la longue. En traversant ces rudes vallées où de basses maisons de
     pierres sèches attristent les yeux de leurs teintes grises, partout, sous les
     arcades du rez-de-chaussée qui portent la maison elle-même en arcades, — au
     beau moment de l'année, — vous verrez deux ou trois jeunes filles au teint
     brun, aux dents blanches qui sourient au passant et filent de l'or.
    Rien de plus inattendu dans cette campagne de pierre, près du jardin
     indigent maigret, que de voir une famille aisée, occupée tout entière à un
     métier de luxe.
    Ces hommes que la tradition nous a fait si durs, si sauvages, vont
     chaque jour s'affinant, s'adoucissant. Les enfants, mieux que les pères,
     témoignent que la bénédiction de la nature est enfin tombée sur cette race
     laborieuse qui la méritait si bien.
    Près d'Aubenas, la victoire de l'homme sur la pierre est décisive.
     Il y a des vignes, du blé, une terre, peu fertile peut-être, mais enfin, il y a
     une terre. Les rochers, eux-mêmes, semblent pris d'émulation ; ils portent
     sur leurs prismes basaltiques de petites plaines en miniature bien
     cultivées.
    J'ai vu tout cela doré, harmonisé du soleil du soir. Tout semble si
     beau à cette heure ! Chaque site alors est le plus beau site. Cette
     maison, cette famille réunie, devant laquelle vous roulez si rapidement, vous
     étranger, passant, c'est la maison, la famille heureuse entre toutes.
    Haut, bien haut, plane un dongeon noir, pour témoigner des mauvais
     temps qui ne sont plus, pour faire bénir l'époque où la terre, peu à peu,
     appartint à celui qui la cultive. Ici, ce droit semble sacré, cette terre
     n'existait pas, le seigneur n'a pu l'inféoder. C'est l'arrière-petit-fils du
     premier possesseur, l'homme, le pasteur du désert , qui l'a faite, cette
     terre, et de ses sueurs l'a fécondée.
    Dans le haut Vivarais, où se dressent les montagnes les plus élevées
     des Cévennes, le Mézenc, le Gerbier des Joncs, d'où part la Loire, la nature
     comparée à celle du bas Vivarais, semble redevenue toute maternelle. Si les
     hauts sommets gardent leurs neiges, les pentes fécondées par les sources
     qu'elles distillent, se revêtent de forêts, de verts pâturages. Ce n'est plus
     la lutte héroïque de l'homme pour dompter les éléments rebelles et faire
     éclater le triomphe de la vie sur les ruines. Les horizons sont
     grandioses ; vous admirez, mais vous n'êtes plus attendri.

XIV
    LA PROVENCE - LA CORSE
    Du point où nous sommes arrivés, nous n'avons qu'à suivre le cours de
     l'Ardèche, à nous laisser descendre de rampes en rampes, de terrasses en
     terrasses.
    Avec le torrent, à travers les noirs basaltes, leurs murs crénelés,
     figurant des constructions féodales et guerrières, aujourd'hui en ruines, nous
     tomberons au Rhône, à la Provence.
    Le

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