Notre France, sa géographie, son histoire
que par le nom d'une ville : Albigeois .
L'espace manque pour raconter l'effroyable catastrophe du
XIII e siècle qui ruina les riches campagnes du Languedoc, ces cités
opulentes, Béziers, Carcassonne, prises, pillées, brûlées... A Béziers, dit la
chronique, il n'y demeura chose vivante. Les cloches de Saint-Nazaire tintèrent
le glas jusqu'à ce que tout le monde fût mort ». Les hérétiques de
Toulouse furent traités comme ceux de Béziers et de Carcassonne.
Le Nord et le Midi se trouvaient en présence pour se haïr. Le Midi
s'était montré au Nord sous l'aspect le plus choquant, esprit mercantile plus
que chevaleresque, dédaigneuse opulence, légèreté moqueuse, danses et costumes
moresques, figures sarrasines. Les aliments même étaient un sujet d'éloignement
entre les deux races ; les mangeurs d'ail, d'huile et de figues
rappelaient aux croisés l'impureté du sang moresque, asiatique, le Languedoc
leur semblait une autre Judée.
Aujourd'hui encore, entre Nîmes, la race ardente, énergique, violente
de la contrée, et la montagne de Nîmes, il y a une haine traditionnelle, qui,
il est vrai, tient de moins en moins à la religion : ce sont les Guelfes
et les Gibelins. Ces Cévennes sont si pauvres et si rudes ; il n'est pas
étonnant qu'au point de contact avec la riche contrée de la plaine, il y ait un
choc plein de violence et de rage envieuse. L'histoire de Nîmes n'est qu'un
combat de taureaux.
1 L'arrondissement de Narbonne en fournit la
manufacture des glaces de Venise.
2 Autrefois Montpellier fabriquait seule le
vert-de-gris ; on croyait que les caves de Montpellier y étaient seules
propres.
XIII
LES CÉVENNES - LE VIVARAIS
LES CÉVENNES
D'Anduze, métropole des premières guerres cévenoles sous Louis XIII,
ou bien encore d'Alais, des hauts fournaux rougissants de la Grand'Combe, vous
pouvez remonter au Nord. Mais, soit que vous vous engagiez dans les défilés de
la montagne par la rude route de la Lozère qui met deux jours et une nuit pour
vous descendre dans la sombre Mende (un puits dans la montagne) ; soit que
vous préfériez la montée plus facile d'Aubenas qui mène en Vivarais, vous
cheminez toujours sur la vieille terre de Languedoc. La tragique histoire de la
montagne et celle de la plaine, restent pour toujours indissolublement liées
l'une à l'autre.
Les Cévennes, qui suivent l'axe de la terre en s'inclinant de l'est
à l'ouest, ne sont pas comme les Pyrénées ou le Jura, une haute muraille
dressée, il semble, pour garder la France, la bien fermer, chez elle, au midi
et à l'est. Les Cévennes ne sont pour le pays ni un abri, ni une protection
politique ; elles sont pour la France, chose plus précieuse peut-être, ce
que les Alpes sont pour l'Europe, une sorte de château d'eau qui verse aux
vallées et aux plaines de l'Orient, de l'Occident et du Midi, la fraîcheur, la
vie, la fertilité.
Cet immense théâtre, cette longue chaîne qui pousse ses racines au
Sud jusqu'aux Pyrénées, au nord jusqu'à la Bourgogne, verse de ses vieux
cratères aujourd'hui verdoyants, je ne sais combien de fleuves, la bénédiction
de la France.
Des basses Cévennes, de l'Aigoual (le Ruisselant), descendent pour
le Midi altéré, une multitude de sources, de gardons 1 , de rivières, de petits fleuves ; ils
s'en vont tous en bas, séparés ou réunis, donner à boire à la plaine brûlante,
adoucir l'amertume de ses étangs salés, remettre en mouvement ces eaux lourdes,
tristes et mortes. Le Gard abreuve le vieux Languedoc en courant au
Rhône ; l'Hérault, le Vidourle en allant se jeter à la mer. Ils traversent
ces paysages bibliques, aussi âpres, plus purs que le Jourdain et le
Cédron !
A l'est, des montagnes brûlées du Vivarais, entre ses villes qui
semblent de fer ou de cuivre, tombent au Rhône : l'Ardèche, l'Erieu,
l'Ouvèze.
A l'ouest, partent, pour arroser le Midi et le centre de la France,
le Tarn, mineur infatigable 2 , le Lot et les deux grands
voyageurs, la Loire et l'Allier, qui vont faire deux cents lieues ensemble pour
porter leurs eaux à l'Océan. Quoi de plus grand ! un sentiment de religion
saisit l'âme.
Les romanciers de la vie bucolique, les Urfé, les Florian ont choisi
pour théâtre de leurs bergeries amoureuses les versants de ces montagnes.
L'Astrée, c'est le Forez, la Haute-Loire, et Némorin, c'est le Gardon. De
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