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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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génie provençal aurait plus d'analogie, sous quelque rapport, avec
     le génie gascon qu'avec le languedocien. Il arrive souvent que les peuples
     d'une même zone sont alternés ainsi ; par exemple, l'Autriche, plus
     éloignée de la Souabe que de la Bavière, en est plus rapprochée par l'esprit.
     Riveraines du Rhône, coupées symétriquement par des fleuves ou torrents qui se
     répondent, (le Gard à la Durance, et le Var à l'Hérault), les provinces de
     Languedoc et de Provence formaient à elles deux, avant l'annexion des
     Alpes-Maritimes, notre littoral sur la Méditerranée. Ce littoral a des deux
     côtés ses étangs, ses marais, ses vieux volcans. Mais le Languedoc est un
     système complet, un dos de montagnes ou collines avec les deux pentes :
     c'est lui qui verse les fleuves à la Guyenne et à l'Auvergne. La Provence est
     adossée aux Alpes ; elle n'a point les Alpes, ni les sources de ses
     grandes rivières ; elle n'est qu'un prolongement, une pente des monts vers
     le Rhône et la mer ; au bas de cette pente, et le pied dans l'eau, sont
     ses belles villes, Marseille, Arles, Avignon. En Provence, toute la vie est au
     bord. Le Languedoc, au contraire, dont la côte est moins favorable, tient ses
     villes en arrière de la mer et du Rhône. Narbonne, Aigues-Mortes et Cette ne
     veulent point être des ports 1 . Aussi l'histoire du
     Languedoc est plus continentale que maritime ; ses grands événements sont
     les luttes de la liberté religieuse. Tandis que le Languedoc recule devant la
     mer, la Provence y entre, elle lui jette Marseille et Toulon ; elle semble
     élancée aux courses maritimes, aux Croisades, aux conquêtes d'Italie et
     d'Afrique.
    Cette côte, avec ses éclairs d'acier qui le jour vous éblouissent, ses
     maquis épineux rébarbatifs qui vous barrent le chemin, ses palmiers
     gigantesques chargés de leurs régimes d'or, est elle-même toute africaine.
    La France a l'avantage admirable d'avoir les deux mers. La
     Méditerranée est belle surtout par deux caractères : son cadre harmonique
     et la vivacité, la transparence de l'air, de la lumière. C'est une mer bleue
     très amère et très salée. Sur ces rivages âpres, rien de vulgaire. La trace des
     feux souterrains qu'on y trouve partout, ses sombres roches plutoniques, ne
     sont jamais ennuyeuses comme les longues dunes de sable ou les sédiments aqueux
     des falaises.
    La côte méditerranéenne, pour ainsi dire circulaire, a sa note la plus
     haute précisément dans le climat sec et vif de Provence. Elle s'amollit vers
     Pise ; elle s'équilibre en Sicile, obtient à Alger un degré remarquable de
     fixité.
    La rade de Toulon est, on le sait, la merveille du monde. Il y en a de
     plus grandes encore, mais aucune si belle, aucune si fièrement dessinée. Elle
     s'ouvre à la mer par une bouche de deux lieues, la resserrant par deux
     presqu'îles recourbées en pattes de crabes. Tout l'intérieur varié, accidenté
     de caps, de pics rocheux, de promontoirs aigus, landes odorantes, sauvagement
     parfumées, vignes, bouquets de pins, aloës et cactus ; une noblesse et une
     sévérité singulières. Derrière, le haut cirque des monts chauves, dominés de la
     tête, par Condom et Pharon, les deux gardiens du port.
    En ce pays de lumière, où l'on peut voir parfois en mer à vingt et
     trente lieues, si ce n'est davantage, si vous montez sur les épaules de l'un de
     ces bons géants, peut-être, verrez-vous au loin, flottante comme une vague
     apparition, notre petite patrie d'adoption, la Corse. Africaine comme Malte,
     dans les luttes, parfois terribles, qu'elle engagea, jadis, pour la défense de
     ses libertés, elle n'appela jamais à son secours les Italiens, mais toujours la
     France ; sous Charles VI, Henri II, Louis XV. Petite île, grand peuple à
     ses moments, qui fut toujours nôtre par le cœur.
     
    Cette belle lumière, ce climat puissant trempe admirablement l'homme,
     elle lui donne la force sèche, la plus résistante ; elle fait les plus
     solides races, les plus robustes. Le marin provençal catalan, celui de Gènes,
     de Calabre, de Grèce s'acclimate partout. Cuivrés et bronzés, ils passent à
     l'état de métal. Riche couleur qui n'est point un accident de l'épiderme, mais
     une imbibition profonde de soleil et de vie.
    La Provence a visité, a hébergé tous ces peuples et bien d'autres.
    Tous ont chanté les chants, dansé les danses d'Avignon, de
     Beaucaire ; tous

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