Notre France, sa géographie, son histoire
royaume de Bourgogne, dont elle
fut la capitale, a passé rapide et obscur ; ses grandes familles se sont
éteintes. Arles, autrefois la forte Provence, est assise aujourd'hui au repos
entre les déserts de la Crau et de la Camargue. Sur les oseraies qui se sont
emparés des laisses du Rhône, le soir, après la chaleur du jour,
traînent lentement, comme sur les maremmes d'Italie, de blanches et molles
vapeurs ; elles promènent avec elles, autour de la ville, les miasmes de
la fièvre. Elle est visible dans le teint des femmes, la lenteur de leurs
mouvements en si grand contraste avec la mobilité provençale.
Quand de la côte et des pâturages d'Arles, on monte aux collines
d'Avignon, puis aux montagnes qui approchent des Alpes, on s'explique la ruine
de la Provence. Ce pays tout excentrique n'a de grandes villes qu'à ses
frontières Ces villes étaient en grande partie des colonies étrangères ;
la partie vraiment provençale était la moins puissante. Les comtes de Toulouse
finirent par s'emparer du Rhône, les Catalans de la côte et des ports ;
les Baux, les Provençaux indigènes, qui avaient jadis délivré le pays des
Maures, eurent Forcalquier, Sisteron, c'est-à-dire l'intérieur. Ainsi allaient
en pièces les États du Midi, jusqu'à ce que vinrent les Français, qui
renversèrent Toulouse, rejetèrent les Catalans en Espagne, unirent les
Provençaux, et les menèrent à la conquête de Naples.
L'histoire de France, dans la seconde moitié du XIII e siècle, est celle du comte de Provence, du frère de saint Louis qui prit pour
lui la dépouille de la maison de Souabe que le pape venait d'abattre. Le
royaume de Naples restait au bâtard de Frédéric II, à Manfred. Charles d'Anjou
conduisit ses Provençaux à cette victoire facile. Manfred, voyant fuir les
siens, se jeta à travers les Français et y trouva la mort.
Ce fut la fin des destinées de la Provence. Elle s'endormit à Naples
et en Sicile sous un même maître.
Pendant que le sud de la Provence s'écoule au midi de l'Italie avec
Charles d'Anjou, Rome pontificale, détrônée par lui à Rome, vient établir son
siège en France, dans la haute Provence, au Comtat Venaissin. Grégoire X s'est
souvenu que l'Albigeois Raymond VII, réconcilié avec l'Église, en a fait don au
pape 1 .
Le fils de saint Louis, Philippe le Hardi, qui en hérite au moment
même par la mort de son oncle, croit devoir céder une seconde fois à l'Église
ce bien d'Albigeois.
Le pape, exilé de Rome, se sentait là chez lui 2 . C'était
une frontière, une position mixte, une sorte d'asile qui dépendait de plusieurs
et de personne. C'était terre d'empire et vieux municipe, une république sous
deux rois. Le roi de Naples comme comte de Provence, le roi de France comme
comte de Toulouse, avaient chacun la seigneurie d'une moitié du Comtat.
Que de vicissitudes il avait déjà traversées dans le passé ! Sur
ce petit coin de terre, dernière ramification de nos Alpes françaises, ont
tourbillonné les peuples. Les premiers habitants virent fondre sur eux, comme
une avalanche de la montagne, Goths, Alains et Vandales, s'en allant guerroyer
à l'Ouest dans l'Aquitaine ou plus bas jusqu'en Espagne. Les Burgundes y
passèrent aussi pour aller fonder, à l'ouest du Jura, leur royaume de
Bourgogne. Avignon, colonie romaine, se vit inféodée à leur royaume. Puis, vint
Clovis avec ses Francs ; puis les Lombards, les Sarrasins qui s'abattirent
sur la contrée en fléaux de Dieu. Charles Martel ayant chassé les Sarrasins
d'Avignon, la ville resta carlovingienne jusqu'à la dissolution de l'empire.
Alors, elle devint provençale et dépendante du royaume d'Arles et de Provence,
sous Boson, beau-frère de Charles le Chauve. Plus tard, elle se fera
Languedocienne, Albigeoise, et comme telle, restera douze ans excommuniée.
Louis VIII, reprenant la croisade de Simon de Montfort, l'en châtiera en rasant
ses murailles. Raymond VII converti, fit davantage, il donna le Comtat au pape
contre une absolution et voilà Avignon hérétique, devenue, tout à coup, ville
papale. Le pape y sera roi plus que le roi, par l'argent que son séjour
attirera dans le pays. Les richesses y abondèrent, mais aussi les scandales.
La religion était bien malade dans ces contrées, surtout depuis les
Albigeois ; elle fut tuée par la présence des papes. En même temps
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