Notre France, sa géographie, son histoire
Montélimart, et Philis
la Tour-du-Pin, La Charce ferma la frontière au duc de Savoie (1692). Le génie
viril des Dauphinoises a souvent exercé sur les hommes une irrésistible
puissance : témoin la fameuse madame Tencin, mère de d'Alembert ; et
cette blanchisseuse de Grenoble qui, de mari en mari, finit par épouser le roi
de Pologne ; on la chante encore dans le pays avec Mélusine et la fée de
Sassenage.
Malgré l'esprit processif du Dauphinois, il y a dans les mœurs
communes, une vive et franche simplicité à la montagnarde, qui charme tout
d'abord. En montant vers les Alpes surtout, vous trouverez l'honnêteté
savoyarde, la même bonté, avec moins de douceur. Cette simplicité, ces mœurs
patriarcales qui s'en vont hélas ! de toute la France, ont tenu, en grande
partie, à l'isolement de ces populations. Avant qu'on n'eût ouvert des routes,
pendant neuf mois d'hiver les neiges les séparaient du reste du monde. De là,
la conservation des traditions antiques. Malgré les changements survenus, le
vieillard est encore l'objet du respect et le centre de la famille ; ses
enfants le servent, les femmes, aux repas, restent debout comme en
Bretagne.
Quoique ces montagnards soient souvent en procès entre eux, comme ceux
de la plaine, il existe un sentiment de fraternité. Survient-il un malheur, une
inondation, un incendie, tout le pays accourt pour relever la maison, apporter
les matériaux nécessaires. Chacun donne une journée de son travail.
Là, il faut bien que les hommes s'aiment les uns les autres ; la
nature, ce semble, ne les aime guère. Sur ces pentes exposées au nord, au fond
de ces sombres entonnoirs où siffle le vent maudit des Alpes, la vie n'est
adoucie que par le bon cœur et le bon sens du peuple.
Telle de ces vallées profondes, ensevelie sous les neiges, reste trois
mois sans voir le soleil. Aussi, comme on le salue, comme on le fête cet ami,
lorsqu'il revient. Chacun a gardé pour lui ce qu'il a de plus précieux, ce qui
serait si doux à l'enfant, au vieilllard, quelques œufs recueillis, à
grand'peine, dans un trop court été.
Au jour précis, tout le monde est dehors, dans l'attente, les yeux
attachés au ciel. Il est midi, l'heure de l'aurore pour la pauvre vallée. La
crête de la haute montagne derrière laquelle il monte, peu à peu rayonne,
s'illumine. Il va paraître... il parait !... Tous sont bien près de tomber
à genoux. Dépassant à peine le faîte, il glisse, lentement, comme un beau globe
d'or. Rien ne leur semble plus beau que cette riche et chaude couleur ! Il
faut bien qu'il l'aime aussi, lui, puisqu'il l'a choisie de préférence entre
toutes. On lui offrira donc pour se le rendre secourable, pendant la saison
trop brève, ce qui lui ressemble, une multitude de petits globes d'or. Au
milieu de la joie universelle, chacun casse les œufs qu'il a tenu en
réserve ; ces œufs réunis, vont faire ensemble au bon géant, qui d'en haut
paternellement regarde, une belle et bonne omelette bien dorée !
Hélas ! quoique fasse le soleil, le pays reste pauvre, la récolte
est insuffisante. Du Vercors et de l'Oisans partent des émigrations annuelles.
Mais ce ne sont pas seulement des maçons, des porteurs d'eau, des rouliers, des
ramoneurs, comme dans le Limousin, l'Auvergne, le Jura, la Savoie ; ce
sont surtout des instituteurs ambulants.
Autrefois, ils descendaient en nombre tous les hivers des montagnes de
Gap et d'Embrun 3 . Ces
maîtres d'école, presque tous protestants, s'en allaient par Grenoble dans le
Lyonnais et de l'autre côté du Rhône, dans les Cévennes. Les familles les
recevaient volontiers ; ils enseignaient et évangélisaient les
enfants.
Dans les plaines du Dauphiné, le paysan, moins bon et moins modeste,
est souvent bel esprit : il fait des vers et des vers satiriques.
A Grenoble, comme à Lyon, comme à Besançon, comme à Metz et dans tout
le Nord, l'industrialisme républicain est moins sorti, quoi qu'on ait dit, de
la municipalité romaine que de la protection ecclésiastique ; ou plutôt
l'une et l'autre se sont accordées, confondues, l'évêque s'étant trouvé, au
moins jusqu'au IX e siècle, de nom ou de fait, le véritable defensor civitatis . L'évêque Izarn chassa les Sarrasins du Dauphiné en
965 ; et jusqu'en 1044, où l'on place l'avènement des comtes d'Albon,
comme dauphins, Grenoble, disent les
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