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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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lorsqu'ils furent soûls de pillage, lorsqu'à force de revenir annuellement,
     ils se furent fait une patrie de la terre qu'ils ravageaient, il fallut des
     Sabines à ces nouveaux Romulus. Ils prirent femme, et les enfants, comme il
     arrive nécessairement, parlèrent la langue de leur mère.
    Ce génie de scribes et de légistes qui a rendu leur nom proverbial en
     Europe, nous le trouvons chez eux dès leur établissement. C'est ce qui
     explique, en partie, la multitude prodigieuse de fondations ecclésiastiques
     chez un peuple qui n'était pas autrement dévot. Le moine Guillaume de Poitiers
     dit que la Normandie était une Égypte par la multitude des monastères. Ces
     monastères étaient des écoles d'écriture, de philosophie, d'art et de
     droit.
    Les historiens de la conquête d'Angleterre et de Sicile se sont plu à
     présenter leurs Normands sous les formes et la taille colossale des héros de
     chevalerie. Les ennemis des Normands, sans nier leur valeur, ne leur attribuent
     point ces forces surnaturelles.
    Mélange d'audace et de ruse, conquérants et chicaneurs comme les
     anciens romains, scribes et chevaliers, rusés comme les prêtres et bons amis
     des prêtres (au moins pour commencer), ils firent leur fortune par l'Église et
     malgré l'Église. La lance y fit, mais aussi la lance de Judas comme
     parle Dante.
    Le héros de cette race c'est Robert l' Avisé qui vécut quelque
     temps en volant des chevaux, puis passa en Sicile, la conquit sur les Arabes,
     se fit duc de Pouille et de Calabre, chassa l'empereur Henri IV de Rome et
     recueillit Grégoire VII, qui mourut chez lui à Salerne.
    La Normandie était petite et la police y était trop bonne pour qu'on
     pût butiner grand'chose les uns sur les autres. Il fallut donc que les
     Northmans allassent, comme ils le disaient, gaaignant par l'Europe. Mais
     l'Europe féodale hérissée de châteaux n'était pas, au onzième siècle, facile à
     parcourir. Chaque passe des fleuves, chaque poste dominant avait sa tour ;
     à chaque défilé on voyait descendre de la montagne quelque homme d'armes avec
     ses varlets et ses dogues qui demandait péage ou bataille ; il visitait le
     petit bagage du voyageur, prenait part, quelquefois prenait tout et l'homme
     par-dessus. Il n'y avait pas beaucoup à gaaigner en voyageant ainsi. Nos
     Normands s'y prenaient mieux. Ils se mettaient plusieurs ensemble, bien montés,
     bien armés, mais de plus affublés en pèlerins, de bourdons et coquilles. Ils
     prenaient même volontiers quelques moines avec eux. Alors, qui eût voulu les
     arrêter, ils auraient répondu doucement avec leur accent traînant et nasillard,
     qu'ils étaient de pauvres pèlerins, qu'ils s'en allaient au Mont-Cassin, au
     saint sépulcre, à Saint-Jacques-de-Compostelle. On respectait d'ordinaire une
     dévotion si bien armée. Le fait est qu'ils aimaient ces lointains pèlerinages.
     Il n'y avait pas d'autre moyen d'échapper à l'ennui du manoir. Et puis,
     c'étaient des routes fréquentées ; il y avait de bons coups à faire sur le
     chemin et l'absolution au bout du voyage. Tout au moins, comme ces pèlerinages
     étaient aussi des foires, on pouvait faire un peu de commerce et gagner cent
     pour cent en faisant son salut.
    C'est un pèlerinage qui conduisit d'abord les Normands dans l'Italie
     du sud où ils devaient fonder un royaume.
     
    Mais ce fut une croisade que la conquête de l'Angleterre par Guillaume
     le Conquérant. Une foule de gens d'armes affluèrent de toute l'Europe. Pour
     cette invasion depuis longtemps préparée, Guillaume faisait acheter les plus
     beaux chevaux en Espagne, en Gascogne et en Auvergne. C'est peut-être lui qui a
     créé ainsi la belle et forte race de nos chevaux normands.
    Au commencement du quinzième siècle, ce fut le tour de la Normandie
     d'être conquise par l'Angleterre. Henri V, après la bataille d'Azincourt, où
     resta toute la noblesse de France, fit sagement, politiquement sa conquête.
     D'abord, la Basse-Normandie, si riche ! Le Calvados qui réunit toute
     culture tenait déjà grand marché à Caen. Puis, ce fut le tour de Rouen. Dès
     juin, 8,000 Irlandais, presque nus, affamés, avaient été lancés sur les
     campagnes environnantes ; ils avaient tout pris, tout mangé. La ville
     était sans vivres. Henri s'attendait à une résistance opiniâtre. Son attente
     fut surpassée. Pendant sept mois, Rouen tint en échec la grande armée anglaise.
     La famine,

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