Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
et veiller au bon déroulement du transport des dossiers en
Angleterre.
Parmi ces documents, plusieurs se rapportaient à l’opération
Mincemeat, et l’un d’eux révélait l’identité de l’officier d’état-major
espagnol qui remit les documents à l’Abwehr : c’était un certain
lieutenant-colonel Ramón Pardo Suávez, décrit par les Allemands comme « un
officier d’état-major espagnol qui avait d’excellentes relations » et un
informateur « avec qui nous sommes en contact depuis de nombreuses
années ». Des années plus tard, Wilhelm Leissner cachait toujours
l’identité de Pardo, le décrivant simplement comme « mon agent espagnol à
l’état-major ». Le frère de Pardo, José, était gouverneur civil de Saragosse
et Madrid, et c’était une personnalité bien placée dans le régime de Franco.
Ramón Pardo allait devenir général, gouverneur du Sahara espagnol et, enfin,
directeur général du département de la Santé publique.
Ramón Pardo n’agissait pas seul : les documents
allemands indiquaient clairement qu’il recevait ses ordres d’une autorité
supérieure et qu’il aurait bien pu être nommé officier de liaison entre
l’état-major et les Allemands. Toutefois, l’agent Andros indiquait, mais pas de
façon explicite, que ce sont les pressions exercées par le chef de la sécurité,
le colonel Barrón, qui aboutirent à la décision de transmettre les documents
aux Allemands. Il est même possible que ce soit des agents des services de
sécurité de Barrón qui parvinrent à extraire les lettres des enveloppes, puis à
les remettre en place, en laissant si peu de traces.
Les Anglais finirent par découvrir exactement de quelle
manière les Espagnols s’étaient affranchis de cette tâche délicate. Les lettres
avaient été fermées par de la gomme adhésive, puis par des sceaux ovales en
cire. « Ces sceaux tenaient les enveloppes fermées car toute la gomme
avait été éliminée par l’eau. » Lorsque l’on recourbait le haut et le bas
de l’enveloppe, le rabat inférieur, qui était plus grand que le rabat
supérieur, s’ouvrait. En insérant une fine pince métallique à deux dents à
l’aide d’un simple crochet dans l’ouverture, les espions espagnols parvinrent à
accrocher le bord inférieur de la lettre, ils enroulèrent le papier toujours
humide en rouleau serré autour de la sonde, puis ils la firent sortir par
l’ouverture dans la moitié inférieure. Même les Britanniques, généralement si
méprisants face aux efforts déployés par les autres nations en matière
d’espionnage, furent impressionnés par l’ingéniosité des Espagnols :
« Il fut possible d’extraire toutes les lettres des enveloppes en les
enroulant [pour laisser] les sceaux intacts. »
Ensuite, les lettres furent soigneusement séchées à l’aide
d’une lampe à chaleur. Inutile de préciser que personne ne vit le microscopique
cil qui tomba de la feuille de papier dépliée. Les lettres furent alors très
probablement copiées par les fonctionnaires espagnols, même si aucune copie ne
réapparut jamais. « Très intelligemment, les Espagnols ne prirent pas la
peine de fournir des photographies de la lettre à Eisenhower, à qui l’on remit
uniquement la brochure sur les Opérations Combinées, qui n’était que du
remplissage. » Pourtant, les deux autres lettres étaient bien plus
significatives.
Ces lettres furent apportées par le lieutenant Pardo de
l’état-major à l’ambassade d’Allemagne et remises, en personne, à Leissner, le
chef de l’Abwehr en Espagne, qui fut informé qu’il les avait à sa disposition
pendant une heure. Leissner comprenait l’anglais, tandis que Kuhlenthal parlait
et lisait la langue couramment. Les Allemands se rendirent immédiatement compte
qu’ils avaient mis le doigt sur de la dynamite, une impression indubitablement
aggravée par les difficultés qu’ils avaient rencontrées pour obtenir les
documents. « Ils semblaient être de la plus haute importance », se
souvint plus tard Leissner. Non seulement les lettres indiquaient un
débarquement imminent des Alliés en Grèce, et probablement aussi en Sardaigne,
mais elles identifiaient spécifiquement la Sicile comme une cible de diversion.
« Petit homme aux cheveux blancs avec les yeux vifs
comme ceux d’un oiseau », Leissner « ressemblait plus à un diplomate
qu’à un officier du renseignement ». En 1943, il avait quasiment été
supplanté
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