Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
à la hâte de la commode de Montagu. Montagu
ne pouvait pas encore raconter de quoi il s’agissait, ce qui n’était d’ailleurs
peut-être pas plus mal.
Des messages secrets de félicitations arrivèrent en masse de
la part de ceux qui avaient touché ou qui avaient été touchés par l’opération
Mincemeat. Dudley Clarke, le non-conformiste travesti derrière la Force
« A », écrivit : « Je vous félicite chaleureusement pour le
succès de votre opération “M”. Ce fut remarquable. C’est un bel exemple
d’organisation et quelle qu’en soit l’évolution, vous êtes parvenu à une
réussite totale. » Le général Nye applaudit également les
organisateurs : « C’est une histoire très intéressante et il
semblerait qu’elle ait été avalée. » Frank Foley, le célèbre officier du
MI6, qui avait aidé des milliers de Juifs à quitter l’Allemagne avant la
guerre, dit à Montagu que l’opération avait été « la plus grande réussite
à n’avoir jamais eu lieu dans le domaine de la désinformation ». Dans son
journal, Guy Liddell écrivit : « Mincemeat a été une grande réussite. »
On parlait déjà de médailles pour les planificateurs de
l’opération Mincemeat. Johnnie Bevan et Ewen Montagu avaient été à couteaux
tirés pendant des mois, mais au crédit de Bevan, il insista sur le fait que
Montagu et Cholmondeley méritaient une reconnaissance officielle, même si elle
devait rester secrète. « D’après les preuves aujourd’hui disponibles, il
semblerait qu’une certaine opération de désinformation s’avéra un immense
succès en parvenant à influencer les dispositions allemandes en produisant des
résultats stratégiques et opérationnels de la plus grande importance. Le fait
qu’elle ait produit d’aussi bons résultats doit être attribué dans une large
mesure à l’ingéniosité et à l’énergie inépuisable de ces deux officiers. »
Montagu avait imposé l’opération par la force de sa personnalité, tandis que
Cholmondeley « était à l’origine de son plan ingénieux et était
responsable, avec un certain officier de la Navy, des détails de l’exécution de
l’opération ». Bevan recommanda que les deux hommes « reçoivent la
même décoration puisqu’ils avaient chacun joué des rôles aussi importants l’un
que l’autre dans le complot ».
Montagu était si content du succès de Mincemeat qu’il
proposa une suite. Un avion transportant le Premier ministre polonais en exil, Władysław
Sikorski, s’était écrasé au décollage à Gibraltar le 4 juillet. Six jours
plus tard, soit le Jour J du débarquement en Sicile, Montagu envoya une
note à Bevan pour indiquer que des « papiers provenant de l’avion de Sikorski
étaient toujours emportés par les courants et qu’ils risquaient de s’échouer
sur la côte espagnole » et pour suggérer que cela pouvait être l’occasion
d’ajouter quelques faux documents parmi les débris. Ils auraient pour objet de
« montrer que Mincemeat était authentique et que nous allons attaquer la
Grèce, etc., et que nous avons simplement différé l’offensive en
privilégiant la Sicile plutôt que Brimstone [la Sardaigne] car nous
soupçonnions les Espagnols d’avoir montré les papiers de Mincemeat aux
Allemands ». Le commodore Rushbrooke, directeur des services
secrets de la Navy, mit son veto à Mincemeat Mark II parce qu’il ne
fallait pas s’attendre à ce que les Allemands se fassent avoir deux fois par la
même ruse. « Cela ne vaut pas la peine d’essayer. Les Espagnols sauront que
tout ce qui est important a été récupéré et « l’échouage » d’un
secret de valeur ne serait pas plausible. »
Le succès du débarquement en Sicile ne pouvait évidemment
pas être attribué à la seule opération Mincemeat. À un certain degré, le plan
de désinformation confirma ce que les Allemands croyaient déjà. Chaque élément
de l’opération Barclay – dont Mincemeat n’était qu’une facette –
allait dans le sens de cette perception erronée. En outre, la comparative
faiblesse des forces allemandes en Sicile ne faisant que refléter les doutes
que Hitler nourrissait à propos de l’engagement de l’Italie dans la guerre. La
Sicile se trouvait à un emplacement stratégique, mais c’était aussi une île,
physiquement séparée du reste des forces de l’Axe. Si un grand nombre de
troupes allemandes étaient occupées à sa défense et que
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