Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
naturelle du
pêcheur. L’hommage le plus mérité, et le plus juste, qui fut rendu à
l’opération était contenu dans un télégramme envoyé à Winston Churchill le jour
où les Allemands mordirent à l’hameçon : « Mincemeat a avalé la
canne, la ligne et le plomb. »
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Mincemeat dévoilé
Ewen Montagu commença à faire du lobbying auprès du
gouvernement britannique pour obtenir l’autorisation de dévoiler l’opération
Mincemeat avant la fin de la guerre. En 1945, on lui proposa la « somme
considérable » de 750 livres pour révéler l’histoire, mais on ne sait
pas bien qui fit l’offre et comment ils eurent vent de l’opération Mincemeat.
Montagu écrivit au ministère de la Guerre pour demander la permission de
publier sa version des faits. « Je suis partial, mais je suis certain que
ça ne fera aucun mal et que ça pourrait même faire du bien », écrivit-il,
ajoutant qu’il y avait déjà eu « de grosses fuites ». Anticipant
l’objection que l’opération révélerait que l’Angleterre n’avait pas toujours
fait preuve d’une grande honnêteté pour parvenir à la victoire, il ajouta :
« Cela nous servirait de montrer Mincemeat comme une opération ad hoc spécialisée, tout en détournant l’attention du fait que la désinformation était
routinière. »
La requête de Montagu fut déclinée. Guy Liddell du MI5 lui
répondit : « le ministère des Affaires étrangères n’autoriserait
jamais la publication sous quelque forme que ce soit en raison de l’effet
inévitable sur nos relations avec l’Espagne ». Pourtant, il commençait bel
et bien à y avoir des fuites. D’ailleurs, une copie du rapport sur l’opération
Mincemeat, qui était l’une des trois copies réalisées, avait été égarée en mars 1945.
Une autre resta entre les mains de Montagu, apparemment avec la bénédiction de
Guy Liddell, « au cas où l’embargo finirait par être levé ».
Deux mois après le débarquement en Normandie, un journaliste
radio anglais, nommé Sydney Moseley, fut mis au courant par un contact dans les
services de renseignement britanniques. Moseley avait travaillé pour le Daily
Express et le New York Times ; c’était aussi le directeur
commercial de John Logie Baird et le promoteur infatigable de la nouvelle
technologie de la télévision. Et il savait reconnaître une bonne histoire quand
il en entendait une. En août 1944, Moseley diffusa un sujet sur le réseau radio
du Mutual Broadcasting System, aux États-Unis : « Nos services de
renseignement ont obtenu, en Angleterre, le corps d’un patient décédé et l’ont
revêtu d’un uniforme d’officier. Le moment venu, le cadavre… traversait la
Manche jusqu’à la côte occupée où, comme on l’espérait, il fut ramassé. Suite à
un ensemble de faux documents, d’ordres de mission et de plans, les nazis
concentrèrent leurs forces ailleurs et, tandis que nous faisions notre grande
avancée en Normandie, ils croyaient toujours que c’était une feinte. »
Moseley concluait son rapport ainsi : « Je pense que cette histoire
est la meilleure de la guerre. » Le journaliste avait confondu le lieu et
le jour du débarquement, mais son récit était suffisamment proche de la vérité
pour faire souffler un vent de tempête sur les services secrets.
« Tar » Robertson écrivit à Bevan, soulignant que
bien que la Loi sur les Secrets officiels pouvait réduire au silence les
curieux en Grande-Bretagne, elle était impuissante aux États-Unis :
« À moins que des mesures soient prises assez vite, étant donné que le
sujet est très attrayant, il se produira tôt ou tard un raz-de-marée médiatique
aux États-Unis, certaines histoires seront vraies, d’autres seront
inventées. » Par ailleurs, si le journaliste était approché et sommé de
garder le silence, cela montrerait qu’« il y avait une part de vérité
derrière les propos de Moseley ». Mieux valait ignorer l’histoire et
« laisser les autorités américaines et Moseley dans l’ignorance sur toute
cette question ». Malgré tout, ce n’était qu’une question de temps avant
que d’autres ne se mettent en chasse. Les maîtres espions anglais étaient
catégoriques : « Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir
pour éviter que la vérité ne soit révélée au grand jour. »
Quand l’histoire fut enfin dévoilée, cela ne vint pas d’un
journaliste indiscret, mais de Winston Churchill en
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