Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
à l’élaboration d’un système
permettant à l’agent double « Tricycle » (le dandy serbe Dusko Popov)
de pénétrer dans le milieu des espions allemands opérant aux États-Unis. Le
System Double Cross impliquait aussi de créer de faux espions. « Des
espions qui n’existaient pas dans la vraie vie et qui étaient des personnes
imaginaires soi-disant recrutées en tant que sous-agents par des agents doubles
que nous manipulions déjà. » Pour réussir à convaincre l’ennemi que ces
personnages fictifs existaient vraiment, les moindres aspects de leur fausse
personnalité devaient prendre vie.
Certains des documents qui passaient sur le bureau de
Montagu dépassaient l’entendement. En octobre 1941, Godfrey ordonna à
Montagu d’enquêter sur la raison pour laquelle les Allemands avaient soudain
importé 1 000 singes rhésus, ainsi que des singes de Barbarie.
Godfrey supposait que « cela pouvait indiquer que les Allemands avaient
l’intention de se servir de gaz, de se lancer dans la guerre bactériologique ou
de faire des expériences ». Montagu consulta Lord Victor Rothschild,
expert en explosifs, attrape-nigauds et autres formes de luttes peu
conventionnelles auprès du MI5. Sa seigneurie doutait que l’importation massive
de singes soit de mauvais augure. « Même si j’ai surveillé d’un œil
attentif les personnes qui demandaient des animaux, écrivit-il, les cas étudiés
jusqu’ici se sont révélés inoffensifs. D’ailleurs, une annonce passée dans le Times pour 500 hérissons se révéla être en relation avec des expériences
effectuées par la section de recherche sur la fièvre aphteuse. »
Montagu ne se battrait jamais sur le front, mais sa bravoure
ne faisait aucun doute. Lorsque la Grande-Bretagne fut menacée par un
débarquement allemand en 1940, il eut l’idée d’essayer de conduire
l’envahisseur vers un champ de mines, en se servant de lui-même comme appât.
Les mines disséminées le long de la côte Est de l’Angleterre étaient
suffisamment espacées pour laisser passer les bateaux de pêche. Les Allemands
connaissaient l’emplacement approximatif de ces canaux, mais pas leurs
coordonnées précises. Si une carte, qui montrait des canaux suffisamment
proches des espaces réels pour être crédibles, tout en étant légèrement fausse,
pouvait leur tomber entre les mains, la flotte allemande pourrait être
persuadée de foncer en toute confiance sur la mauvaise route, et, avec un peu
de chance, elle coulerait. Popov, l’agent Tricycle, ferait passer la fausse
carte aux Allemands, affirmant se l’être procurée par le biais d’un officier
juif de la Navy cherchant à s’attirer les faveurs des nazis. Popov dirait que
cet homme, un avocat de grand renom dans la vie civile, « avait cru à la
propagande sur le mauvais traitement infligé aux Juifs et ne voulait pas
risquer de tomber entre les mains de la Gestapo ». La carte était son
assurance-vie et il la remettrait uniquement en échange d’une garantie écrite
de sa sécurité en cas d’invasion de l’Angleterre par les troupes allemandes.
Popov demanda quel nom il devrait donner aux Allemands pour désigner le traître
de la Royal Navy. « Je pensais que vous aviez compris répondit Montagu.
Capitaine de corvette Montagu. Ils peuvent vérifier mon nom au Barreau et dans
n’importe quel annuaire de la communauté juive. »
Cet acte révélait un courage considérable, même si Montagu
le nia par la suite. Si les Allemands avaient envahi l’Angleterre, ils auraient
vite compris que la carte était fausse et Montagu aurait couru un danger bien
plus grave que celui qui le menaçait déjà. Il était aussi possible qu’une
personne travaillant pour les services de renseignement britannique entende
parler de la carte et du traître juif qui était prêt à vendre des secrets pour
sauver sa peau : il lui faudrait alors fournir des explications
compliquées. Aux yeux des Allemands, le complot faisait apparaître Montagu
comme un traître. Ça lui était égal : laisser filtrer une histoire
convaincante était tout ce qui importait.
Avant de nommer Montagu en charge de la désinformation à la
Navy, Godfrey lui avait remis un exemplaire du Mémo de la truite écrit
avec Ian Fleming. Montagu considérait Fleming comme un « homo » et
s’entendait très bien avec lui. (« Fleming est charmant, mais il vendrait
sa propre grand-mère. Je l’aime beaucoup. ») Des années plus tard,
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