Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
fils mort avait été mobilisé dans une opération
au nom frivole et de mauvais goût, car, comme les comploteurs ne le savaient
que trop bien, personne ne pleurait Glyndwr Michael.
Avant même la fin de l’enquête de Bentley Purchase,
Cholmondeley et Montagu se mirent au travail, élaborant une proposition
formelle à l’attention des chefs du renseignement. Le 4 février, une
semaine après la mort de Michael et le jour même où Purchase acheva son
enquête, ils présentèrent une ébauche de l’opération Mincemeat au
Comité XX : « Cette opération est proposée en réaction au fait
que l’ennemi va très certainement obtenir des informations sur la préparation
d’une offensive organisée en Afrique du Nord et qu’il essayera d’en découvrir
la cible. »
Le plan envisageait de larguer un corps, avec des faux
documents, depuis un avion, pour donner l’impression qu’« un courrier
transportant des documents importants confiés “aux bons soins d’un officier”
était en route pour Alger mais que l’avion s’était écrasé ». Le plan
global devait non seulement détourner les Allemands de la véritable cible, mais
il devait aussi présenter la cible véritable comme « une diversion »,
un simple leurre. C’était un magnifique exemple de double bluff : lorsque
les Allemands découvriraient les véritables préparatifs en prévision du
débarquement en Sicile, comme ils le feraient tôt ou tard, ils supposeraient
que cela faisait partie de la diversion. La Sicile ne pouvait pas être
totalement exclue de l’équation car, comme Cholmondeley et Montagu le faisaient
remarquer, si « la véritable cible était passée sous silence à la fois
dans le “plan de l’opération”et dans le “plan de diversion”, cela éveillerait
presque certainement les soupçons des Allemands, car la Sicile était une cible
réaliste et les Allemands prévoyaient déjà de l’anticiper en tant que cible
possible ». Comme « les Allemands seront à l’affût de nos plans de
diversion comme de nos vrais plans », l’opération Mincemeat leur fournira
à la fois un faux vrai plan et un faux plan de diversion – qui serait en
fait le vrai plan.
L’ébauche ne fournissait pas beaucoup de détails sur la mise
en pratique de l’opération de désinformation, ni sur le lieu de largage du
corps, mais il signalait qu’une fois l’intoxication lancée, elle ne pourrait
plus être différée : « Le corps devra être largué dans les
vingt-quatre heures qui suivront son retrait de son emplacement actuel à
Londres. Le vol, une fois programmé, ne doit pas être annulé ou retardé. »
Le Comité XX réfléchit très rapidement, avant d’envoyer une salve de
requêtes aux représentants des différents services. Le ministère de l’Air sera
chargé de trouver un avion adéquat, de préférence un appareil utilisé par la
Direction des Opérations Spéciales (SOE) ; l’ébauche du plan devra être
présentée aux chefs du renseignement de l’Armée, de la Navy et de la RAF ;
il faudra demander l’accord du colonel Johnnie Bevan de la London Controlling
Section ; l’Amirauté devra « trouver une position appropriée pour le
largage du corps » ; et le War Office devra étudier « la
question de fournir ou non des papiers d’identité au corps ». L’attaché
naval à Madrid, le capitaine Alan Hillgarth, devra être informé du plan de
façon à « pouvoir faire face aux événements imprévus ».
Montagu et Cholmondeley reçurent pour instruction de
« poursuivre les préparatifs pour fournir des vêtements, des papiers, des
lettres, etc., à MINCEMEAT ». À partir du corps officiellement
anonyme qui gisait dans la morgue, ils devaient faire surgir une personne
vivante, avec une nouvelle identité, une personnalité et un passé. L’opération
Mincemeat commença comme une fiction, une intrigue imbriquée dans un roman
oublié depuis longtemps, puis reprise par un autre romancier et approuvée par
un comité présidé par encore un autre romancier. C’était maintenant au tour des
services de renseignement de transformer la réalité d’un vagabond gallois
décédé en fiction qui allait changer le cours de l’histoire.
6
La vie est un roman
Montagu et Cholmondeley avaient passé une grande partie des
trois années précédentes à modeler, à façonner et à déployer des espions qui
n’existaient pas. Le Comité XX et la section B1A du MI5 avaient fait
du
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