Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
pour atteindre l’Espagne le 28 était l’avion.
Un examen attentif des lettres et du fouillis trouvés dans
les poches permettrait de retracer l’itinéraire des derniers jours du major
Martin à Londres :
18 avril – Arrivée au Club naval et militaire
19 avril – Facture de S. J. Phillips de
New Bond Street pour la bague en diamant
21 avril – Déjeuner avec Père et Gwatkin, le
notaire, au grill du Carlton ; Pam va danser avec Jock et Hazel
22 avril – Théâtre avec Pam, puis discothèque
24 avril – Départ du Club naval et militaire, paye
la facture en liquide (1 livre et 10 shillings) ; récupère les
lettres au QG des Opérations Combinées et au War Office ; embarque à bord
d’un vol pour Gibraltar ; 14 heures 59, s’écrase dans le golfe
de Cadix.
Deux photographies furent prises du corps sur le chariot de
la morgue. Seul le torse de l’homme tenant le chariot est visible, mais il
s’agit certainement de P. C. May, le coroner . La bouche du
cadavre est ouverte. La peau autour du nez s’est creusée et le haut du visage a
perdu toute couleur. Les doigts de la main gauche sont recroquevillés, comme
s’ils étaient serrés de douleur. Ce sont les seuls clichés connus de Glyndwr
Michael, un homme que personne ne s’était donné la peine de photographier de
son vivant.
La décomposition déjà visible sur son visage faisait surgir
une autre complication potentielle. Le corps allait devoir être conduit à
650 kilomètres de là, en Écosse, puis chargé dans un sous-marin exigu pour
faire un voyage de dix jours en mer au cours duquel il rencontrerait peut-être
du mauvais temps. Si le coffre était bousculé, le visage serait certainement
encore plus abîmé par les chocs sur les parois. Bentley Purchase trouva encore
la solution : « Enveloppez le visage et le cou dans une couverture de
l’armée pour éviter tout frottement. » Le corps fut roulé dans une
couverture « maintenue en place par du ruban adhésif collé sans serrer le
corps ». Selon les instructions de Bernard Spilsbury, dix kilos de neige
carbonique furent placés dans le coffre pour expulser l’oxygène. Ensuite, le
corps fut « respectueusement » inséré dans la malle de transport,
dans laquelle plus de glace sèche fut encore placée avant que le couvercle ne
soit vissé hermétiquement en place. Il ne restait plus qu’à se dépêcher
d’atteindre l’Écosse.
Une camionnette Fordson BBE, avec deux sièges à l’avant et
un moteur V8 un peu poussé, attendait dans le parking de la morgue de Hackney.
Derrière le volant se trouvait un petit homme à la moustache bien taillée, en
civil. Il s’appelait St John « Jock » Horsfall. Il était chauffeur au
MI5 et c’était aussi l’un des plus célèbres pilotes de course du pays.
St John Ratcliffe Stewart Horsfall, né en 1910 dans une
famille de grands amateurs de voitures, acheta sa première Aston Martin à l’âge
de vingt-trois ans. Entre 1933 et le début de la guerre, il remporta de
nombreux prix sur les circuits de course, dont le Dunlop Outer Circuit
Handicap, à plus de 160 km/h. Horsfall était myope et astigmate, mais
refusait de chausser des lunettes. Il portait rarement de casque ou de blouson
de cuir, préférant courir en « chemise et cravate sous un blouson
d’aviateur ou en débardeur ». Il conduisait à une vitesse stupéfiante et
fut victime de quelques accidents graves, dont l’un lors d’un essai à
Brooklands où sa voiture « fut prise d’un coup de folie [et] essaya de se
jeter par-dessus le talus ». À une autre occasion, l’accélérateur resté
bloqué, le moteur grimpa à plus de 10 000 tr/min, jusqu’à ce que
l’embrayage explose, envoyant des « bouts de métal potentiellement meurtriers »
à travers le carter sous ses pieds.
Au début de la guerre, Horsfall avait été recruté au service
de sécurité par Eric Holt-Wilson, le directeur adjoint du MI5, qui avait
employé la mère du pilote de course comme chauffeur pendant la Première Guerre
mondiale. Le travail de Horsfall consistait essentiellement à conduire des
officiers du MI5 et du MI6, ainsi que des agents doubles et des espions ennemis
arrêtés d’un lieu à un autre, très vite. Il lui arrivait aussi de tester la
sécurité des sites de la Navy et des aérodromes et il connaissait beaucoup
d’informations secrètes.
Horsfall savait uniquement qu’il devait transporter jusqu’à
l’Ouest de l’Écosse
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