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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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il ne peut pas rater son but. De toute façon, simultanément à sa projection, il se précipitera vers l’abri des viets et aura le temps de lancer une seconde grenade avant qu’ils aient celui de retourner leurs armes dans sa direction.
    Impassible, Parsianni dégoupille sa première grenade et la lance avec sûreté et précision. L’engin atteint l’abri viet. Et l’adjudant s’élance. Après deux larges et rapides enjambées, il décoche la seconde grenade : elle tombe au pied du F. M. ennemi, à quelques centimètres seulement de la précédente.
    Six, parmi les dix hommes de sa section ont suivi la scène sans que leur échappe le moindre détail. Première grenade au but. Bond de Parsianni. Deuxième grenade au but. Manœuvre simple, parfaitement exécutée. Et pourtant, les viets ont retourné leur fusil mitrailleur dans la direction de l’adjudant et l’ont abattu à bout portant d’un tir continu.
     
    L’arme automatique ennemie n’étant plus dirigée de leur côté, les légionnaires s’élancent et, à leur tour, criblent de balles les tireurs viets, anéantissant leur principal nid de résistance. La plus grande partie des porteurs se rend, levant les mains et tombant à genoux. Seuls quelques téméraires cherchent leur salut dans la fuite en compagnie des combattants qui courent désespérément sur le terrain nu qui mène au cours d’eau. Pas un seul n’y parviendra ; un à un, ils sont abattus par les légionnaires qui prennent le temps de viser soigneusement entre chaque coup.
    Attiré par le bruit de la fusillade, la section du capitaine Raphanaud arrive au pas de course sur le lieu de l’embuscade.
    Haletant, ruisselant de sueur, le capitaine juge la situation ; les prisonniers, leur chargement éparpillé çà et là, les fuyards dont les corps jalonnent la déclivité du terrain jusqu’à la rivière tarie. Enfin, d’un regard circulaire, il examine les hommes de la section Parsianni, s’attendant à lire sur leur visage l’excitation qui succède à la tension des combats.
    Il découvre des hommes figés dans un mélange de stupeur et de tristesse. D’instinct, Raphanaud cherche Parsianni. C’est alors qu’il l’aperçoit.
    Un légionnaire a retrouvé son corps. L’adjudant gît sur le dos, ses yeux gris grands ouverts paraissent encore refléter l’étonnement dans lequel il est mort. Un caporal s’approche de Raphanaud et dit simplement :
    « Mon capitaine, ses yeux. J’ai pensé que vous préféreriez les fermer vous-même. »
    Raphanaud acquiesce d’un vague mouvement de tête. D’une pression de la main sur l’épaule du caporal, il exprime sa gratitude, puis il s’agenouille près du corps de son compagnon. Il rabat les paupières du mort, lui arrache du cou sa plaque d’identité, et un long instant contemple le visage de son ami.
    Lorsqu’il se relève, la violence a fait place à la douleur. Il hurle :
    « Qu’est-ce qui s’est passé, nom de Dieu ? Vous êtes tous là à me regarder comme des abrutis ! Aucun de vous n’a la moindre égratignure, et votre chef a reçu trois chargeurs de F. M. à bout portant ! »
    Bijker, un Hollandais, répond d’un ton neutre.
    « Il a balancé deux grenades, mon capitaine, elles ont pas pété.
    –  Qu’est-ce que c’est que cette salade ? »
    Plusieurs hommes confirment l’exposé de Bijker. Le fait est incontestable.
    Raphanaud ne comprend pas. Il arrive fréquemment qu’une cartouche de fusil avorte à cause de l’humidité, mais une grenade, on n’avait encore jamais vu ça.
    « Où sont-elles tombées ces grenades ? demande Raphanaud.
    –  Juste sous les macchabées, au pied du F. M. viet, mon capitaine, précise Bijker. L’adjudant se trouvait derrière cet arbre et le F. M. tirait sur nous. Il pouvait pas louper son coup. »
    Raphanaud ne l’écoute plus. Rageusement, il dégage les cadavres des viets à la recherche d’une explication. Il la trouve.
    Les grenades ont bien explosé, mais la charge d’explosif qu’elles contenaient était insignifiante ; juste suffisante pour en permettre l’ouverture et que se répande une multitude de tracts miniatures de la superficie d’une boîte d’allumettes.
    D’un côté des papillons on lit, en lettres tricolores : Paix en Indochine  ; de l’autre, grossièrement dessiné, un soldat français, du style bidasse épanoui, serre la main d’un Asiatique souriant. Sur un bord, en caractères minuscules, est imprimé :

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