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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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s’en procurer. Fernandez, en conséquence, prête l’oreille :
    « Il faut se procurer des jerricans ! Des jerricans ça passe inaperçu ; on peut facilement en planquer cinq ou six sous les banquettes du G. M. C.
    –  Primo, les jerricans, ça pue l’essence ; secundo il faut trouver de quoi les remplir ; tertio, les jerricans, où les trouver ?
    –  Des jerricans, il y en a un attaché derrière chaque jeep.
    –  Bien sûr, et les jeeps, elles appartiennent aux colonels.
    –  Et alors ? Les colons, ça court pas vite.
    –  Ça court peut-être pas vite, mais ça repère les uniformes. Et quand on leur pique une jeep, ça fait faire des inspections et Fernandez et Ickewitz se retrouvent au trou !
    –  Si le colonel repère les uniformes, vaut mieux qu’il reluque ceux de la Coloniale. Et s’il inspecte les coloniaux, Fernandez et Ickewitz se retrouvent les couilles nettes, avec leur gnôle au frais. »
    Cette fois Fernandez faiblit. Enhardi par l’alcool qu’il a ingurgité, il commence à estimer que le plan du Hongrois est peut-être réalisable.
    « Il faut trouver Clary », déclare-t-il.
     
    Tous les hommes du bataillon savent que Clary a mis au point un système ingénieux pour arrondir sa solde. Il s’est procuré – Dieu sait où, Dieu sait comment – quelques tenues de l’Infanterie coloniale qu’il transporte en permanence dans son paquetage. Moyennant quelques piastres, il loue ces uniformes aux légionnaires en permission qui préfèrent garder l’incognito dans certaines de leurs expériences nocturnes.
    « Où peut-être Clary, d’après toi ? » interroge Ickewitz.
    Fernandez hausse les épaules, dédaigneux.
    « Sûrement pas à l’église !
    –  Au claque !
    –  Évidemment, au claque. »
    Les deux compères jettent une pièce sur la table et gagnent la sortie d’un pas incertain. Comme prévu, ils retrouvent Clary au bordel. Sans être dans un état d’ébriété aussi avancé que celui de ses compagnons, le Corse n’est pas à jeun.
    Ickewitz et Fernandez exposent leur requête avec des allures de conspirateurs. Clary flaire l’histoire louche, c’est-à-dire la bonne affaire.
    « Vous comprenez, dit-il, ici c’est pas Hanoï, ça peut aller chercher loin une grosse connerie.
    –  Et alors ? Qu’est-ce que tu risques ? Tu sais bien que de toute façon, on ne te balancera pas.
    –  Vous me faites rigoler, tout le monde à la compagnie sait que ces uniformes m’appartiennent ! Même le Vieux (le capitaine Mattei, qui est plus jeune que lui) est au courant !
    –  Où veux-tu en venir, Clary ? Ça te ressemble pas ce marchandage de raton. »
    Clary abat ses cartes.
    « Je dis que si ce soir vous voulez des fringues de la Coloniale, c’est que vous êtes sur un bon coup. Et si vous êtes sur un bon coup, je ne vois pas pourquoi j’y serais pas moi aussi, vu que des fringues j’en ai pour trois. »
    Fernandez se radoucit.
    « Fallait le dire tout de suite, Antoine. Bien sûr qu’on va te mettre dans le coup. Voilà. D’après ce qu’on croit savoir, là où on va nous envoyer demain, ça va pas être la fête, alors moi et le Hongrois, on cherche à faire une petite provision de gnôle, c’est tout. »
    Le visage de Clary s’illumine.
    « Vous êtes des gars prévoyants ! Salut à vos méninges ! Vous avez un plan ?
    –  Et comment ! D’abord on pique une jeep, on fait le tour de la ville, et on ramasse autant de jerricans qu’on peut en trouver ; ensuite, on a repéré un bistrot dans lequel nous ne sommes pas encore entrés.
    –  Étonnant ! interrompt Clary.
    –  Ta gueule ! On entre au bistrot et on demande gentiment au patron où il s’approvisionne en alcool de riz. Tous les troquets de la ville vendent le même. Ils vont donc sûrement se ravitailler au même endroit, il suffit d’apprendre où il se trouve.
    –  Et si le patron du bistrot refuse de parler ?
    –  Si on est très, très poli, et très, très aimable, il refusera pas. »
     
    Ils sont maintenant trois à se diriger d’un pas hésitant vers leur cantonnement provisoire. En quelques instants le Corse extrait d’un sac les tenues de l’Infanterie coloniale. Ickewitz est à l’étroit dans la veste qui lui est attribuée, mais, dans l’ensemble, il est présentable.
    Coiffés des calots bleus de la Coloniale, les trois légionnaires déambulent un instant avant de tomber en extase devant une jeep étincelante qui stationne

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