Par le sang versé
chargement reçu dans un secteur qui se situe entre le littoral et la position présente du train blindé. Raphanaud sait qu’il serait vain d’attendre une aide complémentaire de l’avion d’observation. Les viets se trouvent dans la forêt et il est impossible de les repérer par survol. La seule ressource du capitaine est d’imaginer leur position approximative en tenant compte des indications transmises par les aviateurs. Le plus précieux de ces renseignements est l’évaluation par le Morane de la distance qui sépare la jonque de la côte et du temps qu’elle a mis pour parvenir à son point actuel : il est à peu près certain, en effet, que les viets et les marins ont repris ensemble leur chemin en sens inverse.
Raphanaud a fait stopper le train. Sur la carte, il étudie, il cherche à se mettre dans la peau de l’ennemi, à imaginer la destination du chargement. Il trouve six itinéraires logiques et possibles, à partir de la disparition des traces. Le capitaine forme six sections d’une dizaine d’hommes. Il commandera l’une d’elles, Noack une seconde, Parsianni une troisième, les autres seront emmenées par trois sergents-chefs. Le lieutenant Lehiat restera sur place pour assurer la protection éventuelle du train.
Les sections partiront du train en faisceaux ; elles verront croître la distance qui les sépare au fur et à mesure de leur progression. Mais d’après les calculs de Raphanaud, si l’un des groupes parvient à débusquer l’ennemi, il doit le faire avant deux heures de marche. L’éloignement entre les sections n’excédera pas alors deux kilomètres. Elles pourront donc se porter immédiatement au secours de celle qui aura accroché la colonne viet. En outre, l’ennemi, même s’il se trouve en nombre, doit être chargé et sera gêné dans sa riposte par l’effet de surprise.
L’adjudant Parsianni conduit l’un des faisceaux. Il avance avec des précautions de chasseur. Il est sûr de la présence du gibier qu’il s’attend à voir déboucher. Son pistolet mitrailleur est armé, il a le doigt sur la détente. Derrière chaque arbre qu’il dépasse, chaque monticule qu’il gravit, il est prêt à se trouver face à face avec la colonne viet.
Ce qui se produit, il ne l’avait pas imaginé, il n’aurait jamais osé l’espérer.
Au sommet d’un mamelon feuillu, alors qu’avec prudence il risque un regard plongeant sur le versant opposé, il aperçoit sa proie, loin en avant. Une centaine d’hommes, pour la plupart des coolies chargés de volumineux fardeaux qu’ils portent au bout de balanciers ou sur leurs têtes.
Parsianni a fait signe à sa section de s’immobiliser et de demeurer plaquée à terre. De la position qu’il occupe, dissimulé dans les feuillages, il ne peut-être vu. Il a tout loisir pour observer le groupe ennemi à la jumelle, évaluer sa puissance réelle de combat. Les viets sont occupés à passer un cours d’eau pratiquement |i sec. Parsianni repère en tête deux combattants qui portent un fusil mitrailleur ; échelonnés habilement tout le long de la colonne, une quinzaine d’hommes en armes assurent la protection des coolies.
Sans surprise l’adjudant constate maintenant que les viets se dirigent droit sur sa section. Le temps que va mettre la lourde colonne à parcourir les trois ou quatre cents mètres qui les séparent va être suffisant pour lui permettre de monter une embuscade qui ne laissera pas la moindre chance à l’ennemi. En silence, se faisant comprendre par gestes, Parsianni dispose ses hommes, mettant en place un implacable traquenard.
Quant à lui, il prend position, protégé par le tronc massif d’un arbre. Dans quelques minutes, les viets vont se trouver au centre d’un feu croisé.
Parsianni a mésestimé la vitesse d’exécution des viets. Les premiers coups de feu abattent les porteurs du fusil mitrailleur, mais les convoyeurs réagissent, récupèrent l’arme automatique, tandis que les coolies, avec une surprenante rapidité, superposent leurs caisses afin de créer un abri.
En un éclair, le F. M. ennemi est mis en batterie et déclenche un tir qui sans risquer d’atteindre les légionnaires, les gêne considérablement.
Derrière son arbre, Parsianni ne se trouve qu’à quelques mètres du blockhaus improvisé. Les viets ne l’ont pas repéré et leur tir n’est pas dirigé dans sa direction. Le problème lui paraît simple. D’où il se trouve, en lançant une grenade,
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