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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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légionnaire en Cochinchine, fait preuve à son égard d’une sympathie condescendante qui n’est pas sans agacer Mattei. C’est pourtant souriant et courtois qu’il se présente au colonel V…, quelques instants avant l’heure prévue pour le départ.
    « Vous avez entendu parler des événements de la nuit ? interroge le colonel.
    –  Non, mon colonel, c’est grave ?
    –  Pas du tout, mais c’est fâcheux. Trois voyous ont volé ma jeep et mis à sac une distillerie d’alcool, après avoir malmené deux indigènes. Nous avons passé une partie de la nuit à mener une enquête et à perquisitionner afin de tenter de récupérer leur butin.
    –  Vous y êtes parvenu, je suppose ?
    –  Non. Les malandrins courent toujours, mais je ne perds pas confiance, nous les prendrons et croyez-moi, ils seront traduits devant le Tribunal militaire.
    –  Je m’étonne, mon colonel, de n’apprendre cet incident que maintenant. Je n’ai pas entendu dire que les hommes de ma compagnie aient été troublés cette nuit par une perquisition.
    –  Ils sont hors de soupçon. L’enquête que j’ai menée personnellement a formellement établi qu’il s’agissait d’éléments appartenant à mon bataillon. »
    Le colonel marque un temps. Puis, dans un élan superbe :
    « À ce propos, au nom des crapules qui, je le déplore, servent dans mon unité, je vous dois des excuses : mes coloniaux ont tenté de rejeter la responsabilité de leur acte sur la Légion, et c’est peut-être ce qu’il y a de plus révoltant dans leur conduite.
    –  Je vous remercie, mon colonel, réplique Mattei. Nous autres légionnaires, avons l’habitude de nous voir accusés de tous les délits. Ça fait partie des traditions de l’armée. Avouez, mon colonel que vous-même, si vous ne vous étiez pas trouvé en présence de preuves irréfutables prouvant notre innocence, vous auriez porté sur nous vos premiers soupçons. »
    Grand seigneur, le colonel V… concède :
    « Je l’avoue.
    –  Et votre suspicion, mon colonel, m’aurait plongé dans un cruel embarras, car je connais tous les hommes de ma compagnie et je sais qu’aucun d’eux n’est capable d’un tel forfait. Seulement, vous n’auriez pas été obligé de le croire, et nos relations en auraient souffert.
    –  Dieu merci, ce n’est pas le cas, rétorque courtois, le colonel V…
    –  Dieu merci », conclut Mattei en prenant congé.
    Le colonel V… s’éloigne à grands pas tandis que Mattei, les mains dans ses poches, se dirige, d’une allure très lente, vers le lieu où stationnent les véhicules de sa compagnie. Il s’arrête devant Fernandez qui se fige au garde-à-vous. Le légionnaire est rasé de frais, propre, impeccable, serein. Pas la moindre trace de gueule de bois ne peut se déceler sur son visage.
    « Repos, ordonne Mattei (qui poursuit sur un ton badin, sans ôter les mains de ses poches) j’ignore notre destination exacte, mais j’exige que dès que nous y parviendrons tu me remettes – jusqu’à la dernière goutte – les cent vingt litres d’alcool que tu as secoués cette nuit. La gnôle, je la distribuerai moi-même à bon escient, et crois-moi, elle sera chère. Grâce à vos conneries, j’ai dû faire un numéro de putain qui va me rester dans la gorge pendant des années.
    « Et surtout, bande de couillons, vous avez pété un amortisseur de la jeep et c’est moi qui vais me cogner le cul pendant toute la route ! »

 
     
24.
     
     
     
    C OUPS de sifflets, hurlements d’ordres, cliquetis d’armes : dans un grondement de moteur, le convoi s’ébranle vers Cao-Bang.
    Précédée d’un half-track, la jeep du colonel V… ouvre la route. L’officier supérieur conduit lui-même. À ses côtés, le capitaine Mattei ; sur la banquette arrière, un sergent et un caporal de la Coloniale qui surveillent, attentifs, les bas-côtés l’arme au poing. Le secteur est, paraît-il, calme. Le colonel V… a déjà effectué – sans avoir à déplorer le moindre incident – un aller-et-retour entre Lang-Son et Cao-Bang la semaine précédente. L’enseignement succinct qu’il a tiré de cette mission, ajouté aux notions qu’il possède sur les desseins futurs du haut-commandement, vont lui permettre de se lancer dans une brillante démonstration, énoncée sur le ton d’un propriétaire terrien orgueilleux qui fait visiter son domaine.
    Au début, Mattei ne prête qu’une oreille vague aux propos de son

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