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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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de rigoler, surtout avec des gonzesses. Les gonzesses, je les baise, je rigole pas avec. »
    Sous l’insulte, un sergent se lève et, à son tour, brise le cul de sa bouteille.
    Le fracas d’une détonation rompt le silence. La balle frappe le plancher entre les deux hommes. Klauss se tient sur le seuil, son colt à la main ; il a tiré de haut en bas entre Clary et Fernandez.
    « Lâchez ces bouteilles », ordonne-t-il.
    Les trois légionnaires obéissent.
    « Vous trouvez que c’est le moment de vous cogner entre vous, bande de cons ! gueule le sous-officier. Attendez plutôt les viets pour calmer vos nerfs de fillettes !
    –  Il a raison, admet le sergent. Allez, Clary, oublie ça, viens boire un coup. »
    Clary hausse les épaules, mais les mots magiques ont rendu toute sa bonne humeur à Fernandez.
    « Il reste du Champagne dans cette baraque ! lance-t-il, joyeux. Allez, que tout saute ! »
    Il ne croyait pas si bien dire.

37.
     
     
     
    C AO -B ANG , 16 septembre. Dong-Khé signale par radio une attaque massive d’artillerie. Depuis les crêtes, l’ennemi tire sur le poste situé dans une cuvette. Les 5 e et 6 e compagnies du 3 e Étranger réclament l’appui de l’aviation. Hélas ! le ciel est bouché, et en cette saison, une éclaircie improbable. De Cao-Bang, Charton appelle Constans à Lang-Son.
    « Dong-Khé est pilonné par des armes lourdes. Les capitaines Vollaire et Allioux réclament de l’aide. Que dois-je faire ?
    –  Tu ne bouges pas, ce n’est qu’un tir de harcèlement.
    –  Et si c’était l’attaque ?
    –  Alors, tu n’y peux rien. »
    C’est vrai. Au point où en sont les choses, si le tir d’artillerie dirigé contre Dong-Khé annonce une offensive d’envergure, l’appui que peut apporter Cao-Bang est insignifiant. Et puis, n’est-ce pas précisément ce qu’attend l’ennemi ? Le 3 e bataillon de Légion, renforcé de six cents tirailleurs et thabors marocains, est pratiquement invulnérable tant qu’il est retranché dans Cao-Bang. Mais s’il en sort, il devient une proie pour les rebelles qui sont maintenant concentrés par Bo-Doï entiers dans la jungle. Charton ne peut que demeurer au central radio et attendre impuissant, les appels de plus en plus désespérés des deux cent cinquante assiégés de Dong-Khé.
    Dans la nuit du 16 au 17, Charton ne peut plus rester inactif. Malgré les ordres formels qu’il a reçus de Constans, il décide d’envoyer une compagnie de légionnaires qui partira à pied. Ordre est donné à son chef de rebrousser chemin sans chercher à intervenir, s’il s’agit d’une importante opération ennemie. Les mots exacts du colonel sont :
    « Si vous tombez sur du dur, taillez-vous sans tirer un coup de feu. Pas d’héroïsme gratuit, nous n’en n’avons plus les moyens. »
    Il y a trente et un kilomètres entre Cao-Bang et Dong-Khé. À l’aube, la compagnie de marche en a parcouru quinze. À Xao-Bang, un ultime message des assiégés vient de tomber.
    « Le poste est en ruine, nous ne sommes plus qu’une trentaine de survivants, les viets descendent des montagnes, ils sont des milliers au coude à coude. »
    Puis, brusquement, le contact est coupé.
    Charton se précipite. Il part lui-même au volant de sa jeep. Seuls trois légionnaires l’accompagnent. En moins d’une heure, il rattrape la compagnie de marche et lui ordonne de faire demi-tour, puis, écœuré, il regagne Cao-Bang.
    Les trente survivants de Dong-Khé parviendront à tenir encore seize heures. Dans la nuit du 17 au 18, le poste est en feu, il ne reste que dix-neuf hommes valides et trois cents cartouches qu’ils se partagent. Alors ils se séparent en trois groupes pour tenter de gagner la jungle et de glisser entre les mailles serrées du filet tendu par les viets.
    À la date du 18 septembre, le poste de Dong-Khé sera déclaré pris par l’ennemi. Le 23, neuf légionnaires en loques, harassés, affamés et assoiffés, arrivent aux avant-postes de That-Khé. Ils constituent tout ce qui reste des 5 e et 6 e compagnies du 2 e bataillon du 3 e Étranger.
    Le colonel Charton avait eu raison : les viets ont coupé la R. C. 4 en deux.
    Le 1 er juillet 1948, au camp de Khamisis dans l’Oranais avait été constitué le premier corps de légionnaires parachutistes. Un jeune officier en avait pris le commandement, le capitaine Segretain. Le 24 octobre, à Mers-El-Kébir, le 1 er bataillon Étranger de Parachutistes – le B. E. P.

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