Par le sang versé
– embarquait sur le Pasteur à destination de l’Extrême-Orient. Le 12 novembre, il arrivait en baie d’Along ; le 15, il s’implantait à Gia-Lam dans la région d’Hanoï.
À dater de ce jour, le B. E. P. mène dans la guerre d’Indochine une ronde infernale. Il est de tous les coups durs, il est l’ange gardien des unités en péril, le pompier du Tonkin en feu. Les légionnaires parachutistes sautent sur les terrains les plus invraisemblables, quelles que soient les conditions atmosphériques. Ils atterrissent dans les situations les plus confuses, quel que soit le rapport des forces en présence. Ne connaissant pas de répit, astreint à un entraînement sans relâche, le B. E. P. est devenu le fer de lance de la Légion, une arme redoutable et efficace dont on use comme si elle pouvait résoudre tous les problèmes.
Le 17 septembre 1950, la poignée de survivants de Dong-Khé résiste encore quand Hanoï alerte le B. E. P. À seize heures, quatre Dakota délabrés embarquent la 1 re compagnie. Un officier accompagne la première vague, le capitaine Jeanpierre. La seconde est placée sous le commandement du lieutenant Faulque. Ce sont deux hommes d’acier au palmarès déjà impressionnant.
Parmi les sous-officiers se trouve un grand sergent-chef yougoslave qui a pris le nom de Zorro. Il est chef de stick de son avion. Par routine, il vérifie le harnachement de ses légionnaires avant qu’ils ne se hissent dans l’appareil. Chaque Dakota est prévu pour larguer dix-huit parachutistes, ce jour-là ils sont vingt-quatre qui se serrent sur les banquettes de fer parallèles. Ils ne savent pas où on va les faire sauter, mais cela leur est indifférent. Le seul renseignement qui leur est communiqué, avant une opération, c’est s’ils doivent atterrir en pleine confusion ou sur des positions tenues par les forces amies. Les plus curieux (et ils sont rares) s’enquièrent parfois du temps de vol ; pour le reste, ils ont des chefs, ils s’en remettent à eux.
Aujourd’hui l’objectif est une position tenue par les Français. Temps de vol approximatif : une demi-heure ; c’est une promenade. Le ciel est bouché, les vieux avions sont secoués durement. À plusieurs reprises, les hommes sont soulevés de leurs sièges lorsque des trous d’air font ballotter l’appareil trop brutalement. La lumière rouge s’allume. Les hommes se lèvent et accrochent leurs sangles au long câble qui traverse la carlingue. Quelques-uns jettent leur cigarette qu’ils écrasent du pied sur la tôle usée.
Zorro se tient courbé, il doit sauter le premier, ses deux mains accrochent le haut de la porte. À l’extérieur, ses doigts sont frappés par le vent et la pluie fine. Il a l’œil rivé sur la lumière rouge. Quand c’est l’autre qui s’allume – la verte – il tire sur ses bras et lance sa jambe droite en avant, puis il prend dans le vide une position de fœtus. Il sent le claquement des sangles sur ses épaules, puis c’est le silence total.
Les légionnaires ont été largués à cent cinquante mètres, la terre se rapproche très rapidement. Le terrain est mou, aucun d’eux ne se blesse à l’atterrissage. Les autres Dakota les survolent et lâchent leurs compagnons tandis que les hommes de la première vague se regroupent après avoir sommairement plié leurs parachutes.
Le 18 septembre un communiqué laconique suit celui qui annonce la chute de Dong-Khé :
« Le 1 er B. E. P. a sauté sur That-Khé en renfort, il a sans incident occupé les positions qui lui ont été réparties. »
Entre Cao-Bang et Lang-Son, les pions sont sur place : Dong-Khé, l’armée de Giap ; à That-Khé, l’élite de la Légion, le B. E. P.
À Cao-Bang, le moral du colonel Charton, ébranlé par la chute de Dong-Khé, va être soumis, à quarante-huit heures d’intervalle, à une succession d’émotions contradictoires.
Il reçoit d’abord la visite du commandant en chef du Corps expéditionnaire, le général Carpentier, qui arrive par avion, sans préavis. Le général visite les installations, félicite, fait preuve d’optimisme et d’assurance, admet l’invulnérabilité de la ville, assure qu’il n’est pas question de l’évacuer. Cao-Bang va rester un poste-hérisson au bout de la R. C. 4. C’est le plan que, depuis plus d’un an, préconise Charton. Le colonel respire, on lui a fait confiance.
L’avion du général Carpentier n’a pas encore retrouvé son altitude de
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