Par le sang versé
le contact toutes les heures. Terminé. »
L’attaque commence à vingt heures quinze par un tir de mortier qui ne s’interrompt qu’à vingt et une heures. Puis, brusquement, c’est le silence. Jaluzot reprend le contact.
« Ils viennent d’arrêter. Le toit n’a même pas été ébranlé et ils ne donnent pas l’assaut. Pourtant j’ai situé leur point de tir, ils nous encerclent, ils sont partout.
– C’est évident, réplique Mattei, ils ignoraient le renforc ement du toit. Ils pensaient vous foutre en l’air au mortier. Pour l’instant, ils doivent être désorientés. Du reste, ils sont peut-être moins nombreux que tu ne le penses. Mais ne te leurre pas ; s’ils ont arrêté, c’est qu’ils attendent des ordres après s’être trouvés devant une situation imprévue. Le cas échéant, ils feront venir des renforts. En mettant les choses au mieux pour nous, ils ne te réattaqueront que demain. Mais il leur faut ton poste, ils ne peuvent pas y renoncer. Ne relâche pas ton dispositif, distribue du maxiton à tes hommes. Qu’aucun de vous ne ferme l’œil. »
Mattei n’avait pas commis la moindre erreur dans son appréciation des réactions de l’ennemi. Il en a la confirmation lorsque à minuit, changeant leur tactique, et sans tir d’artillerie préalable, des milliers de rebelles se ruent à l’assaut de Bo-Cuong.
Jaluzot établit une liaison d’écoute permanente :
« Nous tirons par toutes les issues, on fait un carnage, mais plus on en fout au tapis plus il en arrive ! Si on tient une heure, c’est le bout du monde.
– La mitrailleuse dans les calcaires ?
– Elle crache sans interruption. On fait du bilan, tu peux me croire, mais ils sont trop nombreux, mon capitaine, on ne tiendra pas. »
Une demi-heure plus tard, c’est l’agonie. Mattei reçoit un ultime appel :
« Ils sont à portée de grenades, ils ne reculent même plus, ils enjambent leurs morts, nos mitrailleuses sont brûlantes et nous allons manquer de munitions.
– Tu as de la casse chez toi, Jaluzot ?
– Tout le monde est indemne, mais c’est quand même foutu. Dans un quart d’heure ils sont dans le poste.
– Écoute, Jaluzot… Jaluzot, nom de Dieu ! Jaluzot, réponds ! »
Le contact est interrompu. Ou un éclat a détruit l’émetteur de Jaluzot, ou le lieutenant a simplement coupé, jugeant plus utile de servir une arme.
Alors, en dix secondes, Mattei prend une décision qui risque de lui coûter sa carrière, de l’amener (s’il sort vivant de ce combat) devant le conseil de guerre.
Ses hommes sont autour de lui, ainsi que le lieutenant D…, l’artilleur que Lepage lui a laissé avec quatre canons. C’est à D… que le capitaine s’adresse :
« Le 105 qui se trouve dans les calcaires à hauteur de la cote 71, vous vous y rendez immédiatement, et vous ouvrez un feu ininterrompu sur le sol.
– Mais, mon capitaine, je risque de toucher le poste ?
– C’est-ce que je veux, imbécile ! Tir au but sur le poste !
– Mais, mon capitaine, vous n’y pensez pas ! Tirer sur un poste français, je refuse, je ferai un rapport.
– C’est le moment de parler de rapport, abruti ! Vous ne comprenez pas que le poste tiendra !
– Mon capitaine, rien ne prouve qu’il résistera à des obus de 105.
– Si ! Moi, je le prouve parce que je l’ai décidé. Et puis, merde ! Assez pinaillé ! Nous perdons du temps. Klauss, allez me chercher Dietrich.
– Mon capitaine, vous n’allez pas commander à un artilleur allemand de tirer sur un poste français ! »
Mattei parvient à conserver son calme, il déclare simplement :
« Clary et Fernandez, désarmez-moi ce con et foutez-le en taule ! »
Les deux complices obéissent avec enthousiasme et Mattei donne ses ordres à Dietrich, l’ancien officier d’artillerie du III e Reich. Il est secondé par quatre Allemands. Moins de dix minutes après l’incident, le tir au but sur le poste français commence.
Plus de trois cents obus atterrissent et explosent sur le toit. Pendant la nuit, Mattei en fait tirer quinze cents. Un toutes les quinze secondes pendant dix heures. Toute approche devient impossible pour les viets qui se font massacrer de plein fouet ou par les éclats qui ricochent sur le béton. À l’aube, l’ennemi se replie vaincu. Mais pour Mattei l’heure de la vérité va sonner. Que reste-t-il des vingt-cinq malheureux qui viennent de recevoir sur la tête
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