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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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il fait comprendre au lieutenant que quelque chose l’inquiète.
    Mattei s’approche et chuchote :
    « Qu’est-ce que tu as vu ?
    –  Rien, mon lieutenant, mais ça me paraît trop calme. »
    Mattei se retourne et fait un geste bref de chaque main.
    Aussitôt, les hommes bondissent de chaque côté de la piste et se terrent, attentifs, dans l’épaisse végétation. Klauss et Mattei les rejoignent. Le lieutenant situe Ickewitz d’un coup d’œil et murmure :
    « Ickewitz ? »
    Le Hongrois relève la tête. D’un signe du pouce, le lieutenant lui fait comprendre ce qu’il attend de lui, et le géant sans un mot s’avance prudemment en direction du village, pistolet au poing. Tous les dix mètres il cherche un abri d’où il observe et organise sa progression. Au bout d’une minute il disparaît.
    Tendus, les hommes guettent dans un silence qui, bizarrement, n’est même pas troublé par les bruits naturels de la jungle.
    De plus en plus angoissante, l’attente se poursuit plusieurs minutes, puis Ickewitz réapparaît. Il marche lentement, à découvert ; il a rengainé son pistolet, ce qui prouve que rien n’est à craindre. Lorsqu’il arrive à portée de voix, le géant crie :
    « Vous pouvez sortir, mon lieutenant. »
    Mattei et Klauss s’approchent de l’éclaireur qui est d’une pâleur inaccoutumée.
    « Qu’est-ce qui se passe, Ickewitz, tu as eu peur ? »
    Le géant hausse les épaules.
    « Allez voir vous-même, mon lieutenant ! C’est la boucherie ! Tout y a passé : les femmes, les gosses, les animaux, ils ont tout égorgé, les salopards ! Et ça pue, nom de Dieu, ça pue, mon lieutenant !… »
    Suivi de Klauss et d’Osling, Mattei se dirige à pas lents en direction du charnier.
    Dès que l’odeur écœurante de la mort les saisit, les trois hommes se protègent le visage en nouant sous leurs yeux un mouchoir. Le sinistre spectacle qu’ils ont sous les yeux leur fait imaginer les événements qui se sont déroulés tout au plus vingt-quatre heures auparavant.
    Il paraît évident que les suppliciés, qui tous ont les mains nouées derrière le dos, ont été égorgés les uns devant les autres, assistant respectivement à leur exécution et à leur agonie. La plupart ont encore les yeux ouverts, et les visages sont restés figés dans l’angoisse. Des enfants, presque des bébés, n’ont pas échappé au massacre.
    Mattei se tourne vers ses hommes et lance l’ordre, d’une voix qui cherche à ne pas trahir son émotion :
    « Il faut les enterrer tous. Faites vite. Un seul trou. Que tout le monde s’y mette. »
    Santini, blanc comme un suaire, s’approche de l’officier.
    « Je peux m’éloigner, mon lieutenant ? Je ne me sens toujours pas bien et cette odeur…
    –  D’accord, exempt de corvée, mais ne va pas trop loin et sois prudent. »
     
    Santini est un peu honteux. Il sait qu’il est tout à fait remis de son malaise de la veille, qu’il a exploité pour couper à la répugnante corvée. Comme pour justifier son acte, il tombe à genoux et s’enfonce trois doigts dans la bouche pour se forcer à vomir. Il a la sensation de se décrocher l’estomac ; il finit par déclencher des spasmes tandis que de ses yeux les larmes coulent, creusant des rigoles sur la crasse de ses joues. Épuisé, il parcourt encore quelques mètres et s’affale sur le dos le souffle court, l’haleine aigre, l’esprit confus. Il se trouve à une bonne centaine de mètres du charnier. L’odeur est moins âcre et peu à peu il reprend conscience.
    –  Un quart d’heure passe quand, soudain, Santini est tiré de sa torpeur par un froissement de feuillage insolite. Les sens instantanément en éveil, il s’aperçoit qu’il est parti sans arme à feu. Il sort de sa poche le couteau de vendetta à cran d’arrêt qui ne le quitte jamais et il rampe avec prudence dans la direction d’où il a perçu les crissements.
    Un instant plus tard, le légionnaire est debout et contemple, stupéfait, sa découverte, en repliant sa lame d’un geste expert et familier. Un bébé blotti dans un buisson le dévisage, craintif et muet. Ses yeux couleur de noisette sont grands ouverts et il paraît en parfaite santé. L’enfant porte une grossière chemise de coton serrée à partir de la taille par un long foulard soyeux qui lui interdit tout mouvement des jambes.
    Santini reste un moment interdit, puis parle au bambin comme si celui-ci pouvait le

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