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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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ici ? » hurle Klauss interrogeant Osling du regard.
    Pour toute réponse, Osling désigne la fillette d’un geste évasif.
    Le sergent et le lieutenant demeurent un instant muets de stupéfaction. Enfin Mattei réagit, foudroyant Clary du regard : « Pourquoi n’as-tu pas prévenu au village, imbécile ?
    –  Je sais pas, mon lieutenant », bredouille Clary embarrassé.
    Mattei reste un instant songeur avant de reprendre :
    « Osling, vous pensez qu’on peut trimbaler cette gosse deux ou trois jours jusqu’au prochain village ?
    –  Évidemment. Elle a au moins quinze mois et elle paraît en excellente santé. Nous pouvons la nourrir de riz. »
    Mattei se tourne vers Clary :
    « Tu continues à la porter, le sergent-chef te dira comment la nourrir. »
    Le lieutenant s’éloigne ensuite rapidement et se dirige vers le feu discret sur lequel le cuistot fait cuire une bouillie opaque formée de paddy et de bouts de porc. D’un geste automatique, Mattei remplit une gamelle et va s’asseoir à l’écart au pied d’un arbre. Il est rejoint rapidement par Osling et Klauss qui engloutissent voracement leur pitance sans prononcer un mot. La dernière bouchée avalée, Klauss se lève et prend les gamelles de ses compagnons qu’il va rincer. Osling rompt le silence pesant.
    « Vous voulez un coup de cognac, mon lieutenant ? J’ai trouvé une bouteille à Ninh-Binh.
    –  Pas de refus, mon vieux. Je n’en ai jamais eu tant besoin de ma vie.
    –  Je crois que je vous comprends, mon lieutenant.
    –  Évidemment, vous me comprenez, Osling. Ça n’est pas bien difficile. »
    Klauss revient porteur de la bouteille et de trois quarts métalliques. Les trois hommes avalent une large rasade d’alcool, et moins subtil qu’Osling, Klauss met carrément les pieds dans le plat.
    « Il a craint que vous butiez la gosse et ça vous emmerde, n’est-ce pas, mon lieutenant ? »
    Mattei sourit devant la perspicacité brutale du sergent.
    « Eh oui, Klauss, le mécanisme qui s’est déclenché dans le cerveau de ce brave con m’effraie un peu.
    –  Je crains que vous soyez dans l’erreur, intervient Osling. Tous vos hommes, même les plus simples, connaissent les règles du jeu que vous avez pour mission de faire respecter. Je suis persuadé qu’ils vous admirent d’avoir le courage de prendre certaines décisions.
    –  Comme par exemple de faire égorger une fillette dont la présence va sans aucun doute retarder notre marche », déplore Mattei qui après un temps de réflexion poursuit : « Oui, je pense que c’était mon devoir de le faire. Je pense que c’est à ce prix qu’on gagne les guerres. Le groupe Ho Chi Minh qui nous a précédés vient de nous en faire une éclatante démonstration en supprimant tous les témoins de leur passage. Et moi, si dans quelques jours nous tombons sur un village qui abrite nos clients, je n’hésiterai pas à faire tirer dessus au mortier, sachant pertinemment que je massacrerai peut-être une dizaine de fillettes comme celle-là. Ma décision spontanée de trimbaler cette gosse, contre toute logique stratégique, n’est en somme qu’un geste de lâcheté. »
    Osling éclate de rire.
    « Vous pensez trop pour un soldat. Nous sommes les derniers soldats de métier ; notre devoir est de gagner la guerre, pas de la faire. Et nous autres légionnaires, et surtout vous qui êtes responsable plus que moi, ne devons redouter qu’une chose : c’est faire la guerre pour qu’on nous admire, quitte à la perdre. L’histoire de la Légion étrangère est émaillée de défaites glorieuses ; nous constituons le plus beau régiment du monde ; nous sommes admirés et vénérés parce que nous sommes capables de mourir avec panache, en criant « Vive la Légion », nous…
    – … Où voulez-vous en venir, Osling ? Votre philosophie nazie m’emmerde. Vous cherchez à m’expliquer que j’ai eu tort d’épargner cette fillette ? Que feriez-vous si je vous donnais l’ordre de la faire disparaître ?
    –  Je ne me reconnaîtrais pas le droit de discuter vos ordres ou de vous désobéir : en me réfugiant dans vos rangs je me suis engagé à respecter vos règles et vos lois. Je pense donc que je me suiciderais par lâcheté ; il me serait beaucoup moins pénible de me tirer une balle dans la tête, que de le faire dans celle de cette gamine.
    –  Donc, nous en sommes au même point.
    –  Évidemment, mon lieutenant, je ne suis pas

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