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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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Hitler, moi ! »
    À quelques mètres d’eux, Clary, Santini et Ickewitz jouent les nourrices, s’empressant autour de la gamine, se disputant le plaisir de lui faire avaler quelques cuillers de riz et cherchant par d’innombrables pitreries à lui arracher un sourire.
    Des trois hommes, Santini est le plus volubile. Il tient à la fillette de véritables discours, lui promettant monts et merveilles. Il se lance devant le bébé attentif dans des descriptions dithyrambiques de Naples, sa ville natale, lui promettant de l’y emmener dès que son contrat viendra à expiration.
    Le ton chantant et la voix douce de l’Italien semblent plaire à la fillette qui montre des signes de satisfaction qui ne sont pas appréciés de Clary dont la jalousie se déclenche brusquement.
    « T’as pas fini ton cirque, pauvre con, lance-t-il. Tu vois pas que tu l’emmerdes, cette gosse. Tu vas la faire dégueuler si tu continues à lui parler de ta ville de clochards. Et puis, autant que tu le saches tout de suite, si on doit la ramener, ce sera moi qui m’en chargerai. Et c’est en Corse chez ma mère qu’elle grandira. »
    Santini saute sur ses pieds et, reculant d’un mètre, fait jaillir la lame de sa poche avec une dextérité de jongleur.
    « Les Corses, c’est tous des maquereaux, annonce-t-il. Si tu crois que je vais te laisser emmener la gosse que j’ai trouvée pour que tu la foutes dans un claque, quand elle aura treize ans, tu rêves. Je vais d’abord te saigner. »
    Clary lui aussi s’est relevé. Bien qu’il ne soit pas inquiet, il se tient sur ses gardes et déclare en souriant :
    « Ça, je voudrais bien voir ça. Antoine Clary de Bastia se faire saigner par une petite tante. Ça, je voudrais bien voir ça ! »
    Ickewitz n’a qu’à étendre sa longue jambe pour déséquilibrer Santini et le faire trébucher sur lui. Calmement, il serre le poignet armé de l’Italien et lui fait lâcher le couteau. Puis, il repousse le petit légionnaire qui va s’affaler deux mètres plus loin, et il replie le couteau d’une seule main, libérant le cran d’arrêt de l’index, et repoussant le dos de la lame du pouce.
    « C’est drôle, les mecs ! constate-t-il. Plus ils sont petits, plus ils sont teigneux. Allez plutôt dormir tous les deux. Vous aurez besoin de force si demain vous voulez trimbaler votre pisseuse chinoise en plus de vos armes… »
     
    Le commando reprend sa marche forcée à l’aube du 24 juin. Les légionnaires sont reposés et suivent aisément la cadence imposée par Mattei. Le décor ne change pas, forêts, rizières, bourbiers, marécages. La présence de la fillette oblige la patrouille à s’arrêter toutes les deux heures. Ces haltes sont les bienvenues pour les hommes et seul Mattei semble les déplorer. Une nouvelle altercation avait le matin opposé Clary et Santini au sujet du prénom de la fillette. Santini voulait l’appeler Giovanna, et Clary, Marthe comme sa mère. Klauss a tranché et tout le monde est tombé d’accord sur Anne-Marie. La plupart des légionnaires se sont proposés pour relayer Clary et le décharger quelques instants du poids supplémentaire qu’il transporte, mais le petit Corse a rejeté toute proposition, tenant à conserver la fillette dans son sac et écartant ses compagnons lorsqu’ils se montraient trop pressants autour de lui.
    Vers deux heures de l’après-midi, c’est Klauss qui marche en tête. Il est persuadé que la patrouille se trouve sur la trace des fugitifs et qu’elle emprunte le même chemin. Sans ralentir sa marche, il observe, reconnaît des traces imperceptibles. Il devine les gestes des hommes qui les précèdent, à des dizaines de petits détails insignifiants, que nul autre que lui ne parviendrait à déceler.
    À 15 heures, la colonne est contrainte de s’engager dans une gorge broussailleuse. Sur la droite des légionnaires, un mamelon touffu s’étend sur une longueur de plus de cinq cents mètres. Par instinct, Klauss a ralenti : s’il avait eu lui-même à tendre une embuscade, c’est-cet endroit qu’il aurait choisi. Il arme sa mitraillette et libère le cran de sûreté tandis que derrière lui tous les hommes l’imitent. Après quelques pas supplémentaires, le sergent s’adresse à Mattei sans se retourner et à mi-voix : « Mon lieutenant, vous m’entendez ?
    –  Oui.
    –  Il y a un F. M. sur la droite dans les herbes. Vous venez de le passer. Ils attendent le milieu de la colonne

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