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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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position inconfortable, compte tenu de la pente et des sinuosités du terrain. Noack le rejoint et lui dit :
    « Je ne t’ai pas dit de lever les bras, morpion ! Tu peux marcher normalement comme nous tous. » Le lieutenant constate sans trop de surprise que le gamin semble déçu de ce privilège. Il ajoute :
    « Ne t’inquiète pas, nous te considérons tous comme un soldat, je ne vois pas l’utilité de te faire marcher dans une position inconfortable, un point c’est tout. J’agirais de la même façon avec ton père ou ton grand-père ! »
    Le gosse baisse les bras.
    « Comment t’appelles-tu ? » poursuit le lieutenant.
    Le gamin marque un temps de réflexion, il se demande sûrement s’il a le droit de répondre.
    « Nom de Dieu ! Tonne Noack. Ton nom n’est tout de même pas un secret d’État !
    –  Je m’appelle Kuo, je vous dirai rien d’autre.
    –  Tu peux tout de même me dire où tu as appris à parler si bien le français.
    –  Je suis né à Cholon, je vous dirai rien d’autre.
    –  Tu sais lire ?
    –  Je sais lire et écrire, je vous dirai rien d’autre.
    –  Tu m’emmerdes à la fin avec tes « je vous dirai rien d’autre ». Je ne te demande pas des secrets militaires.
    –  Pas encore, mais ça va venir… »
    Noack sourit ; il est de plus en plus séduit par l’attitude du gosse.
     
    La colonne de légionnaires s’engage sur une étroite corniche qui surplombe un creux de cinq à six mètres. C’est la dernière difficulté avant l’arrivée dans la plaine herbeuse : il faut mettre un pied devant l’autre avec précaution, et souvent pour conserver son équilibre s’accrocher aux racines qui pendent de la paroi.
    Seul, le jeune Kuo évolue avec l’aisance d’un chamois. Soudain, imprévisible, le chamois devient panthère, et le gamin s’élance dans le vide au risque de se tuer.
    Noack, ébahi, contemple le saut prodigieux, la souplesse avec laquelle Kuo s’est posé sur la terre sèche à un point qu’il avait dû repérer. Le lieutenant est presque heureux de constater que, d’un nouveau bond, le gosse va se jeter à l’abri d’un fourré. Aucun des légionnaires n’effectue un mouvement d’arme.
    Noack hurle :
    « Kuo, tu m’entends, tu ne peux pas nous échapper ! Dans trente secondes, je vais balancer des grenades. Rends-toi, c’est ta dernière chance. »
    C’est exact : malgré l’agilité et la rapidité du petit viet, les légionnaires ne peuvent pas le rater à partir des positions surélevées qu’ils occupent. Pourtant, du bosquet qui le dissimule, le gamin crie :
    « Je t’emmerde !
    –  Décidément il a appris le français, constate Noack. En outre, il le sait, ce petit fumier, que je n’aurai pas le courage de lui balancer une grenade sur la gueule. Allez, ajoute-t-il avec lassitude, les dix derniers, vous remontez et vous contournez par le haut. Les dix hommes de même, même exécution par le bas. Arrimez une corde de rappel, le groupe central descend avec moi. »
    Noack se laisse glisser le premier le long de la corde et, sans se soucier des hommes qui le suivent, il se précipite vers le fourré dans lequel le gamin a disparu..
    Le lieutenant l’entend avant de l’apercevoir. Le gamin pleure à gros sanglots, entrecoupant ses hoquets de gémissements. Noack découvre le petit Kuo étendu sur le dos, il a la jambe droite brisée. Une sale fracture ouverte qui laisse apercevoir son tibia. D’un seul coup, le gamin agressif est redevenu un enfant, la douleur l’a transformé. Noack passe son grand bras sous les épaules de l’enfant blessé, cherchant à le soutenir dans une position moins douloureuse. Sans attendre les ordres, deux légionnaires montent une civière ; un troisième, le porteur de la trousse de secours médical, prépare une piqûre de morphine.
    Le commando Noack met moins d’une heure pour regagner le train. Aidé de ses deux infirmiers, le médecin-capitaine Lambert opère les légionnaires. Le gamin dont la fracture est réduite est plâtré avant le soir. Il occupe une couchette attenante à celle du légionnaire auquel il a tiré dans l’épaule, et surplombe les deux autres hommes qu’il a blessés, mais personne ne s’en émeut particulièrement.
    Au carré, le capitaine Raphanaud et le lieutenant Lehiat écoutent abasourdis le récit de Noack. Après quelques instants de réflexions, Raphanaud, sévère, déclare :
    « Non, mais vous vous rendez compte d’où

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