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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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J’en aurai besoin quand je m’évaderai. »
    Noack change de ton.
    « Écoute, le capitaine accepte de ne pas t’envoyer dans un camp à cause de ta blessure, mais tu vas me promettre de ne pas chercher à t’évader.
    –  Je peux pas promettre ça.
    –  Parfait, je vais te faire attacher. »
    Stœrer intervient.
    « Si vous l’attachez, on pourra plus jouer à la bataille.
    –  D’accord, cède le gosse, je vous promets de ne pas m’évader.
    –  Attention, Kuo, la parole d’un soldat est encore plus importante que son adresse au tir du fusil, ne l’oublie pas.
    –  Je sais, mon lieutenant. »
    Intérieurement, Noack enregistre le « mon lieutenant » avec satisfaction. Dans le fond, le gamin est un soldat-né, davantage séduit par la mécanique militaire que par les idéologies.
     
    La convalescence du petit Kuo s’effectua à bord du train blindé. Après trois mois, il marchait à l’aide d’une canne que lui avait confectionnée Noack.
    À son grand regret, Noack avait vite compris que Kuo ne se laisserait jamais incorporer dans leurs rangs, et le lieutenant négocia avec un ordre religieux de Saigon la prise en charge du gamin à sa guérison. Après d’épiques discussions, Kuo avait admis que la guerre n’était pas une affaire de son âge et qu’il pourrait plus tard servir les causes auxquelles il croyait avec beaucoup plus d’efficacité, grâce aux connaissances que pourraient lui inculquer les religieux.
    Les adieux de Noack à son jeune protégé eurent lieu à la station de Muong-Man. Kuo, toujours claudiquant, quitta le train blindé et fut confié à un convoi de l’infanterie coloniale qui partait rejoindre sa base arrière à Saigon. Un capitaine devait se charger de l’accompagner personnellement jusqu’au couvent.
    Noack n’eut plus jamais de nouvelles de Kuo, mais un hasard devait lui faire rencontrer quelque temps plus tard le capitaine auquel il avait confié le gamin. Aux questions de Noack, l’officier répondit en souriant :
    « Ah ! Le petit mythomane ! Oui, je m’en souviens. Tout s’est bien passé, je l’ai remis entre les mains du père supérieur.
    –  Mythomane ? s’étonna Noack.
    –  Vous parlez ! Quel drôle de gosse… Je lui avais demandé l’origine de sa blessure. Il est parti dans un torrent d’explications démentielles, déclarant notamment qu’il s’était battu seul contre trente légionnaires, le jour anniversaire de Camerone. Je crains que son séjour parmi vous et les histoires qu’ont dû lui rabâcher vos hommes ne lui aient tourné la tête. Dommage. À part ça, il avait l’air intelligent pour son âge.
    –  Comment s’est terminée votre conversation ?
    –  Elle en est restée là, évidemment. Je lui ai ordonné de se taire après lui avoir demandé s’il me prenait pour un imbécile. Il m’a un instant dévisagé bizarrement avant de sombrer dans un mutisme total.
    –  Oui, en effet, conclut Noack, songeur. C’était un drôle de gosse. »

 
21.
     
     
     
    L E 26 juillet 1949, le train blindé, une fois de plus, a fait escale à Phan-Thiet. Les légionnaires ont pu bénéficier d’une permission de nuit. Le rassemblement sur le quai est prévu à six heures du matin, le départ vers le sud pour sept heures.
    Marcel Bugat, le légionnaire qui avait reçu de Noack une si sévère correction quelques mois plus tôt, rejoint le train avec une bonne demi-heure d’avance. Il est flanqué de son inséparable complice Julien Hastarran. Hastarran, comme Bugat, est un brillant soldat, mais son passé est confus. Venu de la région niçoise, nul ne sait s’il a cherché refuge, six ans plus tôt, dans les rangs de la Légion par crainte de la police ou par celle du milieu.
    Bien entendu, les deux hommes ont passé la nuit au bordel dans lequel Bugat a rencontré une prostituée française, fait rarissime dans la région. Entre la maison close et la station ferroviaire, les deux hommes doivent marcher une dizaine de minutes. Bugat porte un couffin chinois qu’il manie avec des précautions affectées. Ce n’est qu’à l’arrivée au train, après s’être assuré que personne ne les entoure, que Bugat dévoile à son compagnon le contenu du mystérieux colis : un magnum de Champagne Moët et Chandon, une superbe bouteille géante avec son éclatante parure dorée qui recouvre le bouchon et le goulot.
    Hastarran siffle d’admiration ; il y a quatre ans que ni l’un ni l’autre n’ont

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