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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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aréquier massif dont les branches supérieures peuvent constituer un abri sans pour au tant masquer la visibilité. En haut de l’arbre, le lieutenant parvient à trouver une position stable et relativement confortable. Il sait que la réussite de leur entreprise dépend de la patience et de l’immobilité que ses hommes et lui doivent observer. Il est prêt à rester le temps qu’il faudra. Il a, à sa disposition, trois gourdes de cognac – ses dernières réserves – -, et les seuls mouvements qu’il s’autorise sont de porter un bidon à ses lèvres, toutes les demi-heures.
    Dès les premières lueurs de l’aube, de son poste, Noack distingue le train dans la vallée, puis il remarque nettement à la jumelle la compagnie du Génie qui commence les travaux. Avec méthode, il explore alors les alentours de son perchoir. Aucun être humain ne se trouve à portée de voix. Délicatement, il déploie l’antenne du poste émetteur et entre en contact immédiat avec Raphanaud qui attendait son appel.
    Il chuchote dans le diffuseur : « Dispositif en place. Avons perdu un homme mort par accident. 3 300 mètres du train dans l’herbage. Abandonné sur le terrain. Il faut que vous preniez le risque d’aller chercher le corps, les charognards le feraient repérer avant la fin de la matinée. Je cesse les appels jusqu’à nouvel ordre. Terminé. »
    Jusqu’à quatre heures de l’après-midi, rien ne se passe. L’attente est devenue un enfer pour Noack. Ses fesses sont meurtries et il peut à peine bouger pour changer de position. Ses seules consolations résident dans le cognac, qu’il boit maintenant à intervalles plus rapprochés, et dans le fait qu’en bas le Génie travaille sans encombre.
    Le lieutenant somnole presque lorsqu’il sursaute, tiré de sa torpeur par un coup de feu tout proche qui le laisse stupéfait. L’écho créé par la détonation s’estompe et le silence revient. S’il ne conservait pas dans l’oreille le sifflement caractéristique qui suit les déflagrations, Noack se demanderait s’il n’a pas rêvé. Où peut se trouver le tireur ? Par où a-t-il pu passer pour n’être remarqué ni par lui, ni par ses hommes ? Noack redouble d’attention. Il est en effet probable qu’après son tir le viet va bouger. Après une demi-heure, le lieutenant doit se rendre à l’évidence : le tireur adopte la même attitude qu’eux ; il faut attendre, c’est le plus patient qui finira par coincer l’autre.
    Deux heures plus tard, un autre coup de feu. Malgré sa proximité, Noack est persuadé qu’il n’a pas été tiré du même endroit. Donc deux solutions : ou les tireurs sont au moins deux, ou ils ont affaire à un homme qui se déplace avec une agilité inimaginable. Le lieutenant établit un contact radio.
    « Je ne l’ai pas décelé, même pas situé. Je ne pense pas que l’un de mes hommes soit plus avancé. Vous avez des dégâts en bas.
    –  Un mort, un blessé grave. Noack, il faut que vous coinciez ce type ! C’est un tireur d’élite ! Les pontonniers veulent demander des renforts à Phan-Thiet. On aurait l’air de vrais cons !
    –  Je ne bouge pas, mon capitaine. Organiser une battue serait voué à l’échec ; ils sont tout au plus trois ou quatre, peut-être un seul. Si nous nous découvrons, ils nous glissent entre les pattes comme ils veulent.
    –  Vous comptez passer la nuit là-haut ?
    –  Affirmatif.
    –  C’est bon. Terminé. »
    Noack est obligé de se rendre à l’évidence ; son calvaire ne fait que commencer. Un instant, il songe à descendre de l’arbre pour passer la nuit allongé sur le sol, mais il rejette cette idée ; elle comporterait trop de risques.
    À l’aube, il est tellement courbatu qu’il ne sent plus ses membres ; cela fait vingt-quatre heures qu’il a les fesses entre deux branches et il ne lui reste plus qu’un bidon de cognac et quelques biscuits. Il se souvient que c’est le 30 avril ; il pense avec amertume aux milliers de légionnaires qui s’apprêtent à passer leur plus beau jour de l’année. Il décide qu’à midi, il lèvera le dispositif. À tout hasard, il ordonnera aux hommes de tenter un ratissage.
    Noack n’aura pas à attendre midi. Vers dix heures, le tireur se manifeste une fois de plus et cette fois le lieutenant l’aperçoit une fraction de seconde. Il n’est pas à plus de trente mètres de lui, en contrebas, Noack déclenche le tir de son pistolet mitrailleur en

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