Paris, 1199

coups redoublés pendant que Simon Le Tripier et
Robert l’Apôtre faisaient le tour du logis par un petit passage séparant la
maison mitoyenne.
    Enfin, la porte se fracassa et ils se ruèrent à
l’intérieur. La logeuse était recroquevillée dans le lit à rideaux, terrorisée.
Thomas le Tondeur la tira de sa couche et lui brisa la tête avec sa masse.
    Ils étaient dans une quasi-obscurité. Le Tondeur
battit son briquet de fer pour allumer un bout de chandelle pendant que
Le Mulet restait devant l’entrée, car il ne semblait pas y avoir d’autres
issues. C’est alors qu’ils perçurent un léger bruit dans le grenier. Levant les
yeux, ils distinguèrent la trappe et Le Mulet découvrit l’échelle contre
le mur.
    — Il est là-haut ! cria-t-il.
    Avisant une lanterne, Thomas Le Tondeur
l’alluma avec sa chandelle. Ils placèrent l’échelle et Le Mulet monta avec
prudence, tenant la lanterne.
    Le musard était bien là, tentant de se dissimuler
dans un coin du solier. Il n’avait aucune arme. L’homme de Mercadier l’attrapa
par le col et le bouscula vers la trappe, lui faisant dégringoler les barreaux.
Comme Amaury poussait un long hurlement de terreur en s’écroulant par terre, Le Tondeur
le gifla à plusieurs reprises avant de le bâillonner avec une corde.
    Ayant entendu, Simon Le Tripier et Robert
l’Apôtre revinrent. Ils attachèrent Amaury sur le lit, puis Le Tripier
sortit son couteau à écorcher :
    — Écoute-moi bien, le musard. Simon va
t’écorcher par lambeaux. Mais tu peux éviter ça si tu me dis où est Robert de
Locksley et la statuette d’or.
    Amaury, terrorisé, roulait des yeux d’épouvante.
Il parvint à opiner.
    — Je vais lever ton bâillon. Crie et je te
gifle, ensuite Simon t’écorchera un bras, menaça Le Mulet qui avait aussi
sorti un long coutelas.
    Il leva la corde et Amaury balbutia :
    — La tour du Pet au Diable.
    — Quoi, la tour du Pet au Diable ?
    — Dessous, dans les caves… Il y a une crypte…
    — C’est là qu’est Locksley ?
    — Oui.
    — Comment entrer dans la tour ?
    — Mes… amis… ont une clef…
    — Les tisserands ?
    — Oui.
    — Pourquoi Locksley n’est-il pas chez
eux ?
    — Trop… trop dangereux… La crypte est notre
refuge.
    — Vous êtes des hérétiques ? cracha
Le Mulet.
    — Oui.
    Le capitaine de Mercadier considéra sa victime
avec un sourire malfaisant. Ce musard n’aurait pu inventer une histoire
pareille, et ils en savaient assez. D’un geste, il lui trancha la gorge avec la
satisfaction de punir un sacrilège.
    — Partons ! dit-il en sautant en arrière
pour éviter le jet de sang.
    — Foutre de Dieu, il était pas bien
courageux, gronda Le Tondeur.
    Aux chevaux, le vilain avait disparu. Sans doute
avait-il compris qu’il ne sortirait pas vivant de l’expédition. Le Mulet en fut
contrarié. Le coquin savait où ils habitaient, bien qu’il soit peu probable
qu’il les dénonce. Il n’empêche, ils devraient agir sans tarder.
    En chemin, ils se consultèrent. N’auraient-ils pas
intérêt à briser la porte de la tour ce soir et à descendre dans la
crypte ? Thomas Le Tondeur objecta qu’il serait plus prudent
d’examiner la porte en plein jour. Elle était peut-être solide et il faudrait
repérer si ses points faibles étaient les gonds ou la fermeture.
    Le Mulet approuva et ils décidèrent de reporter
l’opération à la nuit du lendemain.
     

Chapitre 27
    L e
matin du lundi, un voisin de la maison verte de la rue des Rosiers découvrit la
porte défoncée. Comprenant que des larrons s’étaient introduits dans la nuit,
il prévint des amis. Armés de faux et de coutelas, ils découvrirent avec
terreur le sol couvert d’une épaisse couche de sang à peine séché, puis la
vieille femme, la tête en bouillie, et le jeune homme attaché sur le lit, la
gorge tranchée.
    L’un des voisins savait qui était Amaury. Il
partit pour la rue de la Tisseranderie prévenir le syndic des tisserands.
Certes, Amaury ne faisait pas partie de la guilde, mais son père en avait été
membre.
    Noël de Champeaux se rendit aussitôt rue des
Rosiers d’où il fit transporter les corps chez lui. Il prévint ensuite les
autres tisserands et décida, avec Enguerrand, que les obsèques auraient lieu le
lendemain à Saint-Gervais. Après quoi les corps seraient ensevelis dans une
fosse du nouveau cimetière des Innocents. Mais avant, la communauté cathare se
réunirait dans